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Critique de Eskalion


Il y a quelques mois j'avais eu le plaisir de chroniquer « "Franco est mort jeudi" » de Maurice GOUIRAN. C'était pour moi une totale découverte puisque je ne connaissais pas encore cet auteur publié aux éditions JIGAL, auteur qui n'en était pourtant pas à son premier roman.

Ce livre avait été un véritable coup de coeur, tant l'histoire, mais plus encore les personnages m'avaient particulièrement séduits ! Assurément l'un des meilleurs romans que j'ai lu en 2010.

Mais n'ai-je pas tôt fait d'acheter quelques unes de ses oeuvres précédentes en vue de lectures futures, que déjà paraît son nouveau roman « Sur nos tombes ils dansent le tango » !

C'est donc avec une certaine gourmandise que je me suis lancé dans la lecture de cette nouvelle aventure !

Maurice GOURAIN a cette particularité de tremper sa plume dans l'encre noire de l'Histoire. Mais pas cette Histoire qui bombe les torses, flatte la fibre nationaliste des crétins primitifs et fait dresser haut les étendards ! Non, lui aime à s'intéresser et à nous renvoyer comme un miroir ces pages sombres et peu glorieuses qui jalonnent notre histoire commune, que bon nombre aimerait laisser coincer dans les pages d'un livre posé à l'abandon sur les étagères de la mémoire des Hommes.

Lire un roman de Maurice Gouiran, c'est lire un bon polar, mais c'est aussi prendre une magistrale leçon d'histoire. Car notre homme est un érudit. Nul doute que son travail de documentation doit être impressionnant en la matière. Mais au delà de la richesse des informations qu'il nous donne, c'est surtout la maestria qui est la sienne à nous faire revivre ces évènements terribles, à transporter son lecteur au coeur de la tragédie qui fait la force de sa plume.

Après nous avoir ramené sur les chemins de la Rétirada avec « Franco est mort jeudi », Maurice Gouiran nous emmène cette fois sur une terre Latina où raisonnent encore les complaintes des « folles de mai » et les cris des «desaperecidos »du fond de leurs cachots. Car c'est bien sous la dictature des militaires argentins que s'ancre le nouveau de Maurice Gouiran.

Dans un Marseille secoué encore une fois par des règlements de compte, Emma Govgaline , jeune lieutenant de police, se voit confier l'enquête sur l'assassinat de Vincent de Moulerin, un notable de la ville, homme politique de droite au torse bardé de médailles militaires.

Bien que les premiers éléments recueillis sur place ne laissent planer aucun doute pour sa hiérarchie quant au caractère crapuleux de l'assassinat, Emma elle , n'est pas aussi affirmative. Pourquoi s'il s'agit d'un crime crapuleux, la victime a-t-elle reçu une balle dans la nuque, signature habituelle d'une exécution ?

Poussée par le commissaire Arnal à rendre son rapport au plus vite, Emma parvient à obtenir un délai pour creuser un peu le passé de la victime. Et c'est à un véritable jeu de piste que va se livrer la jeune inspectrice. En remontant le passé militaire de Moulerin, celle-ci va voir son enquête s'envoler pour des horizons lointains. En Indochine où le jeune soldat à fait ses premières armes, en Algérie ensuite où il s'est illustré. Au fil des témoignages une question se pose. Aurait-il participé au massacre des Centres Socio Educatifs en 1962 ? Sa mort serait elle liée à une vengeance ?

Mais ce notable assassiné a bien des secrets enfouis. La piste prend la direction de l'Amérique du sud où l'ancien militaire a oeuvré au nom de la France, comme beaucoup d'autres officiers de l'époque, pour transmettre à ses frères d'armes argentins, tout l'art de la guerre totale expérimentée lors de la bataille d'Alger en 1957. Une marque de fabrique bien française que les gouvernements de l'époque, dans le contexte de la guerre froide, ont su aussi bien exporter que les canons et autre armes de guerre.

Quand son grand-père Vincent de Moulerin est assassiné, cela fait déjà plusieurs semaines que Kevin, s'est enfermé dans sa chambre à diluer sa réalité d'ado dans la virtualité d'un monde maîtrisé. Adepte de second life il s'y est construit une autre vie, sans contrainte, faite de business et de créations artistiques. En même temps, lorsqu'il joue avec un logiciel de morphing à retrouver sur la toile des photos des membres de sa famille, il fait une bien étrange découverte.

A partir de là , les questions se font jour pour Kevin, et celles-ci vont être de plus en plus pressantes et obsédantes à mesure qu'il poursuit ses recherches sur la toile. Sous les doigts agiles d'un gamin de 14 ans, le passé va remonter lentement vers la lumière de la vérité, au risque d'ébranler à jamais les fondements même de cette famille si bien établie.

Dois- je avouer que j'ai une affection toute particulière pour Maurice GOUIRAN. J'aime ces auteurs qui à travers leurs romans nous interpellent et nous poussent à regarder dans des directions dont on aimerait détourner la tête. Il fait partie de ces auteurs qui rendent leur art majeur et donnent leurs lettres de noblesse au roman noir.

Maurice Gouiran est un excellent conteur, mais c'est aussi un écrivain de la mémoire, qui nous rappelle que la vérité est la voix des morts, victimes des dictatures de tout poils, qu'elle est un cri qu'on ne peut bâillonner qu'un temps. Et il y a des morts qui crient plus fort que les vivants, que l'on entend encore bien longtemps après que les généraux se soient tus.
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