Les adolescents remarquent, parmi la foule des jeunes filles, un visage qui leur plaît, un corps qui leur semble digne d’estime ; une femelle qui sort, à leurs yeux, de l’ordinaire, et ils se jurent de la séduire. Et comment s’y prennent-ils ? En l’approchant, petit à petit, en essayant de l’amadouer… Ils en usent avec elle comme si elle était un bel animal farouche, cheval sauvage ou épervier, qu’il convenait d’apprivoiser. C’est une erreur ridicule. On n’obtient pas les faveurs d’une femme en l’appâtant avec des mots et des attitudes niaises, comme on attirerait un chien avec des boulettes de viande. Ce qui rend une liaison possible, ce sont des affinités, de caractère psychique, entre l’homme et la femme. Quand on dit, bêtement, d’une femme : « elle est faite pour moi », cela signifie simplement que sa sensibilité s’accorde avec la nôtre. Et qu’est-ce que la sensibilité ? Un certain état des nerfs… Des goûts, et des dégoûts qui ne sont, après tout, que le résultat de notre éducation, et d’expériences que nous avons vécues pendant notre enfance. Tout cela est vain. Le Séducteur ne se demande jamais, tu m’entends, jamais si une femme est « faire pour lui » : il cherche à trouver le moyen de faire croire à la femme qu’il est « fait pour elle. » Et chaque femme entretenant des préjugés, des opinions, des émotions, des espoirs différents, le Séducteur, mon petit, doit être un caméléon.
Elle paraissait l’archétype de la vieille fille, solitaire et inhibée, rêveuse et mélancolique. Ce serait une proie extrêmement facile. Le seul risque était qu’elle fût démesurément farouche.
Hors de son labyrinthe, Minotaure apprenait à renoncer à la satisfaction immédiate de ses désirs ; il avait brusquement compris que la faculté de supporter les frustrations est la qualité principale de tous ceux qui parviennent à réaliser les projets qui leur tiennent vraiment à cœur.
Elle riait, et parvenait à rendre ce rire venu des nerfs vaguement méprisant, et même triomphal, à la manière du rire des femelles qui se savent les souveraines de la création, et ne doutent pas du servage des mâles…