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Critique de dourvach


Poésie sauvage — étrange et minérale — du "Roi Pêcheur", cette pièce unique de 1948... Poésie des noms de lieux, poésie de personnages mythiques devenant vite nos "familiers" : Montsalvage et ses ruines... Amfortas, roi déchu "au corps pourrissant" régnant sur les brumes de ce marécage au crépuscule éternel... Belle, fière et libre silhouette de Kundry au coeur compatissant... Errance sans objet de Perceval "le très pur", confronté ici à l'échec et la mort de tous ses idéaux...
Viendra cette longue scène (ou cène ?) finale — éblouissante mais aux lumières tamisées — du nain Kaylet qui doit escalader l'épaule de la belle Kundry pour tenter d'apercevoir – oh, juste l'espace d'un instant — ce "Saint-Graal" planant puis se penchant sur l'étrange procession de la grand-salle des chevaliers située de l'autre côté du mur : Kaylet est cet être difforme, supposé "impur", devenant ainsi l'unique "voleur de feu" en son humble mission de décrire au fur et à mesure — et dans le détail — tout ce que lui seul parviendra à épier de l'assemblée mystique. Vision toute fortuite d'un "Autre Monde" et spectacle aux lueurs indicibles auquel Perceval et les autres n'accéderont, eux, jamais... Plus jamais.
Comme un Livre d'Heures aux miniatures toutes mentales et inaltérables en leurs couleurs vernissées.
Comment ne pas deviner que vivra pour toujours cet art romantique — aussi immortel que la Quête du Graal ou celle de "l'impossible étoile" de Jacques Brel — forgé si patiemment par notre cher Julien Gracq ! [*]

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[*] Rares humilité et accessibilité, extrêmes gentillesse et politesse de l'homme... Me souvenant encore du cadre de cette unique fenêtre dominant la Loire langoureuse (oeuvre paysagiste vivante inattendue), comme de la lumière grise qui régnait — dehors comme dedans — ce jour-là. Après notre conversation d'une paire d'heures dans son petit salon de réception de la rue du Grenier-à-Sel, l'écrivain de St-Florent prenait encore le temps de dédicacer à son visiteur-lecteur (quasi-inconnu de lui, malgré quelques lettres échangées au fil de douze années) l'exemplaire bleu clair de ce petit chef d'oeuvre de "Matière de Bretagne" dont nous nous étions muni pour répondre à son invitation bénie de ce 28 août 2007... Fin d'été en cette première et dernière visite à sa "Maison Haute" de St-Florent-le-Vieil, et si terrible nostalgie éprouvée jusqu'à aujourd'hui ! "Nostalgie", ce mot que Gracq n'aimait guère...
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