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Critique de Gwen21


Concernant ce livre, si je ne veux pas mourir assassinée sur cette toile, je ne peux pas me contenter de dire qu'il s'agit de pipi de chat, encore faut-il que j'argumente mon propos. Ce n'est certes pas par plaisir sadique que je sors ainsi les griffes mais par honnêteté intellectuelle. Celles et ceux qui me connaissent n'ont plus à être convaincus de mon intérêt profond pour l'oeuvre de Jane Austen et jusqu'à présent, si j'ai toujours freiné des quatre fers devant la perspective de lire des romans "para-austeniens" qu'un intérêt sincère pour la période et/ou une envie non moins sincère de gagner quelque argent ont poussé certains auteurs à commettre, c'était en raison d'un pressentiment funeste qui vient tout juste de trouver sa justification.

Les romans de Jane Austen sont des merveilles de maîtrise stylistique, d'humour, de psychologie et d'évasion. C'est le parfait équilibre de ces composantes, liées par le charme d'une plume affirmée, qui en fait la grandeur, l'atemporalité et la notoriété méritée. Or, le roman de Mrs Grange ne contient aucune de ces composantes fondamentales et est dénué de tout éclat. C'est sans aucun talent que l'auteur s'est lancée dans l'exercice de nous décrire le point de vue de Darcy, héros du célèbre "Orgueil et Préjugés" et soupirant d'Elizabeth Bennet. le seul dessein de traiter les lecteurs avec complaisance a guidé Amanda Grange dans son entreprise. Partant de là, la facilité semble avoir été de mise, la rigueur reléguée au placard et les scrupules étouffés sous le poids d'un titre racoleur.

Sur la forme comme sur le fond, c'est un fiasco.

Sur la forme.
Sans être diplômé "maître es Austen", il suffit d'avoir lu "Orgueil et Préjugé" pour savoir que Jane Austen aime mettre à l'honneur ses principaux protagonistes à travers leurs vertus et leurs talents. Un gentleman de l'envergure, de la fortune et de la personnalité d'un Fitzwilliam Darcy n'entreprendrait un journal que pour y rapporter les faits marquants de son existence dans un style à la fois viril et élégant mais certainement pas pour y collecter les indignes cancans et propos sucrés de son cercle, ni les menus faits et gestes futiles et inintéressants de son entourage. Mrs Grange nous dévoile ici sa totale incompréhension du personnage dont elle prétend interpréter les pensées et les sentiments. Un Fitzwilliam Darcy ne reporterait pas non plus ses échanges avec tel ou tel de ses proches en "ouvrant les guillemets, à la ligne, tiret" et pour rien au monde il ne réécrirait dans son journal les lettres écrites ou reçues par lui ! Cette forme stylistique est totalement ridicule et ne peut manquer de faire lever le sourcil à tout lecteur ayant un peu de bon sens et de respect pour le système narratif. Par définition, un journal relève d'une narration antérieure et utiliser le dialogue dans sa forme vivante en fait une narration spontanée, pour un résultat totalement discordant qui rend le récit peu crédible et la lecture inconfortable. le vocabulaire basique et la simplicité syntaxique de l'ensemble du récit en font un roman plus que médiocre digne, selon moi, de figurer dans la collection Harlequin.

Sur le fond.
L'humour et la finesse qui caractérisent si bien l'écriture de Jane Austen sont totalement absents du "Journal de Mr Darcy" et le style très pauvre ne rend pas justice à l'homme accompli et lettré qu'est le maître de Pemberley ni à son style qui nous fut pourtant parfaitement révélé par la longue lettre qu'il écrivit à Elizabeth pour se laver des deux accusations dont elle l'avait injustement chargé. Toute cette entreprise ne semble donc qu'une tentative pour justifier le comportement jugé odieux de Darcy envers Elizabeth, lui ôtant avec acharnement tout le mystère qui le caractérise et qui contribue à faire de la relation des deux amants une succession de malheureuses méprises pleine d'intérêt et de passion. En définitive, ce roman n'apporte aucun complément et encore moins d'approfondissement à la connaissance que l'on peut avoir de Darcy et de ses rapports avec Elizabeth. Rendre Darcy plus "normal" et moins antipathique n'accroît en rien son magnétisme et sa séduction, bien au contraire…

En vérité, si on a vraiment lu "Orgueil et Préjugés", on reconnaîtra à Jane Austen d'avoir donné elle-même le point de vue de Darcy dans son roman qui, bien qu'étant essentiellement narré du côté "Bennet", s'équilibre parfaitement et donne très suffisamment d'indices et d'informations concernant les sentiments et les opinions des protagonistes de "l'autre bord" sans qu'il soit utile à une Amanda Grange de se lancer dans une initiative commerciale stérile.
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