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Critique de amardouboune


Quand au supermarché je longe le rayonnage des chips je repense à cet intervenant qui disait « regardez, comme c'est étonnant un paquet de chips, quelle que soit sa taille on le finit » ; il avait raison ; la langue aime le salé, le gras, et les inconvénients immédiats, doigts gras, espaces inter-dentaires saturés de miettes s'oublient rapidement avec un verre de boisson gazeuse d'origine nord-américaine ; on a bien dans un coin de la tête les effets négatifs sur les constantes sanguines mais la main replonge dans le paquet. Certains livres sont comme un paquet de chips, leur Nutri-score oscille entre Y et Z, mais on les embarque.
« Avec Au-dedans, Yannick Grannec affronte une des plus grandes préoccupations contemporaines : la révolution de l'intelligence artificielle. » (4° de couverture). Les derniers sondages sur les préoccupations des françaises et français placèrent effectivement la révolution de l'IA – j'écris comme l'autrice, avec des sigles, pas pour moins utiliser les touches du clavier mais par paresse, pour ne pas entraîner l'éventuel.le lecteur.rice dans un « abîme de perplexité » face à une « bouillie novlangue » telle que celle utilisée par l'autrice « emocoins » « logotype » « nerd » « bots-infirmières » « cool and smart » « poker face » « bot » « skin » « voxel » « hub » « steampunk » « minecraft » « emojis high fine » etc. – sur le podium de leurs préoccupations IRL et IVL (voir le livre pour ces deux sigles). Je ne sais pas trop si l'autrice parle de l'IA ou de transhumanisme, l'éditrice préféra probablement utiliser le terme IA que celui de transhumanisme, terme relevant de l'illusion voire de l'imposture et pourtant l'IA relève sémantiquement de l'imposture : l'intelligence quèsaco ? Artificiel comme artificialisation des sols ? Intelligence ou compétences ? L'« intelligence naturelle », un des antonymes de l'IA ? Humains robotisés ou robots humanisés ?
L'autrice qui semble avoir un peu lu sur les neurosciences – un peu car la production livresque dans ce domaine est immense, sans parler des publications purement scientifiques dont une vie ne suffirait pas pour les affronter –, mais ne cite pas, c'est étonnant, le Code de la conscience de Stanislas Dehaene (Odile Jacob, 2014) instructif et ardu, nous gave de réflexions minimalistes où perce « la faillite définitive des mots » et du langage : « Qui contrôle les émotions contrôle les décisions » (page 157), « Christa nageait dans un océan de clichés avec la ménopause à l'horizon et sa rage en bannière, mais comment échapper aux « situations universelles » ? » (pages 110/111), effectivement Yannick comment s'échapper des « situations universelles », en apprenant à écrire, à réfléchir peut-être, en allant chercher ailleurs qu'au-dedans crânien.
L'autrice abuse du verbe émousser sans émousser notre envie de balancer le bouquin dans la poubelle (la bibliothécaire serait fâchée et je devrai payer 21 euros, neutralisons nos émotions, nos sentiments ; combien de paquets de chips avec 21 euros ?) et de références au « coeur » comme si ce dernier était le siège organique des sentiments comme certain.es antiques le pensaient «  … lui décroche le coeur », « coeur brisé » etc. Yannick, si t'accroches ton coeur comme ta parka à la patère du couloir proche de la porte d'entrée de ta maison et qu'il se décroche, il se ne brisera pas sur le carrelage du sol il formera, comme ta parka, un tas informe rouge, un enfant de cinq ans sait cela. Enfin l'autrice nous donne la définition du verbe sublimer synonyme dans le livre de gazéifier mais évite soigneusement de définir « entropie » (utilisée de nombreuses fois) et surtout « épigénétique » ; la « passionnée de sciences » (4° de couverture) va devoir trouver un symbiote pour vivre longtemps comme ses personnages et ainsi accéder à un zeste de savoir scientifique. Enfin, deuxième, évoquer les sentiments, les émotions, le cerveau, sans un instant parler du système nerveux entérique reste surprenant ; toutes les infirmières scolaires savent qu'un passage chez elles pour un j'ai-mal-au-ventre signifie bien autre chose qu'une digestion difficile du cours de sciences naturelles. Enfin, troisième, si la première époque 2019 s'avale, la deuxième 2099 est indigeste. Enfin, quatrième, des remerciements pathétiques. Enfin, cinquième, Lou Reed ; quand je lus que Michel Houellebecq aimait Neil Young et qu'Emmanuel Macron confia à Pascal Dusapin la sonorisation du Panthéon, je fus obligé de me sevrer de ces musiciens, pensant à vendre leurs disques tendrement entretenus et voilà que maintenant il faut que je m'allège de Lou Reed, mais que va-t-il me rester à écouter si ceux et celles que je n'aime pas aiment ce que j'aime ?
Enfin, sixième et der, le 20 janvier 2024, au journal de France2 de 20 heures, à propos d'une écrivaine japonaise venant de recevoir le Goncourt local, en précisant que environ 5% de son texte résultait de l'utilisation de l'IA, Tahar ben Jelloun, membre de l'académie Goncourt interviewé précisait puissamment « faut faire attention à tout cela, on est entré dans une espèce de progrès dangereux s'il n'est pas encadré par une éthique », Yannick prends comme modèle Tahar, un bout de phrase suffit pour parler de l'IA.
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