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Critique de Sachenka


Étrange aventure que la lecture de ce roman, le turbot. J'admets d'emblée que je n'ai sans doute pas tout saisi de ce roman quelque peu effrayant. En effet, au-delà de ses 624 pages (dans l'édition de poche), le style foisonnant et désordonné peut donner le vertige – ou le mal de mer, plutôt – peut-être même les deux. C'est bel et bien du Günter Grass, aucun doute là-dessus. Son oeuvre est hautement intelligente, mais également d'une érudition labyrinthique, donc il n'est pas donné à tous de bien la comprendre. Et je m'inclus dans le lot.

À cet égard, résumer le turbot est une entreprise hardue, je tenterai de faire de mon mieux. D'abord, le protagoniste lui-même m'est demeuré mystérieux : un être immortel qui entretient une relation privilégiée avec un turbot. Ou est-il lui-même ce poisson ? Ou, encore, le poisson est-il une de ses représentations sur Terre de cet être immortel ? J'en suis resté assez confus car, chaque fois que je croyais avoir saisi, je me suis retrouvé à nouveau dans la confusion peu de temps après. Il faut dire que la narration va dans tous les sens, et que la chronologie n'est pas linéaire. J'ai trouvé assez difficile m'en faire une tête.

Quoiqu'il en soi, le turbot est capturé par des féministes sur le bord de la mer Baltique à la fin du 20e siècle et elles finissent par comprendre que la société patriarcale actuelle du monde – et duquelle elles se croient victimes – est le fait de l'intervention de ce poisson dans la vie des hommes. S'ensuit un procès, mené par ces mêmes féminsites, dans lequel le turbot (installé dans une baignoire !) est contraint de raconter sa longue histoire, commencée il y a de cela plusieurs millénaires, remontant à l'époque néolithique. Assez délirant !

Ainsi, il y a fort longtemps, le turbot est capturé par un homme préhistorique. En échange de sa liberté, il promet mer et monde, en tous cas assistance. Notez ici que cette prémisse tire son inspiration d'un conte des frères Grimm. Donc, le poisson aide son pêcheur à se libérer de la suprémacie de la sorcière du clan et de l'organisation matriarcale du genre humain de l'époque, alors soumis au culte de la déesse-mère de la terre. Il en profite également pour lui apprendre à se servir de nouveaux outils et à lui proposer quelques recettes culinaires. Au fur et à mesure de la marche du temps, le turbot s'immisce dans la vie des hommes mais aussi des femmes. Lors de son procès, il explique comment il en a aidé plusieurs, comme Dorothée de Montau, Gret la Grosse, Agnès, Amanda Woyke, Sophie Rotzoll, Lena Stubbe.

Outre leur livrer des recettes originales, il les a assitées de multiples façons (évangéliser les germains, favoriser le commerce des épices, introduire la pomme de terre, se protéger des troupes napoléoniennes, militer pour le syndicalisme, etc.). Ces neuf cuisinières ont eu emprise dans le monde des hommes à leurs époques respectives, et grâce à lui. Donc, le turbot est innocent. Ce roman, cette oeuvre étrange, peut se voir également comme un traité d'art culinaire et même d'histoire. Quelques hauts faits de l'Europe sont mentionnés et font partie de l'intrigue, mais je dois admettre que Dantzig, le Vistule, toute cette région m'était peu familière avant de lire les romans de Grass.

Le turbot peut être lourd et rebutant, évidemment, mais il ne faut pas s'y arrêter. C'est aussi drôle, il ne faut pas tout prendre au premier degré. Je dirais même plus : il faut entrer dans le délire de l'auteur. du moins, c'est ce qui m'a permis d'en continuer la lecture. À vous de juger.
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