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Critique de Arakasi


A la naissance d'Oskar Matzerath en Pologne au début des années 30, ses parents lui firent deux promesses, sa mère celle de lui offrir un tambour le jour de ses trois ans et son père celle de le faire hériter de la boutique familiale dès qu'il aura atteint l'âge adulte. Si la première idée l'enchante, la seconde en revanche lui répugne profondément (comme vous l'avez noté, c'est un nourrisson qui cogite déjà beaucoup, l'Oscar…) L'enfant prend alors une grave décision : le jour où on lui confiera son tambour, il cessera de grandir et conservera à jamais l'âge de ses trois ans, afin d'échapper aux écoeurantes responsabilités des adultes et de se consacrer à la seule véritable occupation digne de lui, à savoir jouer du tambour. Et ainsi fera Oscar. Malgré les bouleversements familiaux, les convulsions qui agiteront la Pologne et l'Allemagne et les hurlements délirants des meutes nazis, il ne vieillira, ni ne grandira plus d'un seul pouce. Mais en apparence seulement, car, sous ses faux airs de gamin attardé, Oscar est un véritable génie manipulateur qui prend un malin plaisir à se moquer du monde des adultes, bien à l'abri derrière ses baguettes de tambour.

Ecoutez, amis lecteurs, écoutez ! Oscar va battre pour vous la marche de l'Histoire et des armées ! Il vous jouera les infidélités de sa mère, la mort de ses deux pères, les jupes de sa grand-mère, ses propres multiples aventures sexuelles, la chute de la Poste Polonaise, les trompettes des jeunesses hitlériennes, l'incendie de la boutique de jouets du vieux Markus, l'invasion de Dantzig par les troupes russes, le débarquement américain en Normandie, les dancings et les asiles de Düsseldorf… Mais, tout en écoutant, méfiez-vous, car Oscar n'est pas seulement un manipulateur, mais aussi un sacré petit bonimenteur tout à fait indigne de confiance. Et, si vous tendez assez l'oreille, vous pourrez entendre, dissimulé sous le roulement de son tambour, le ricanement sinistre de la Sorcière Noire, le monstre qui sommeille dans chaque coeur humain et gronde au sein de chaque foule en furie. « La Sorcière Noire est-elle là ? Ja, ja, ja ! »

Pfiouuu… Eh ben, il n'a pas été une mince affaire à finir, ce bouquin ! Non qu'il n'ait pas amplement mérité sa renommée et sa qualité de classique de la littérature du XXe siècle, mais il peut difficilement être taxé de roman « facile ». le tout demande déjà d'avoir un estomac solidement accroché pour supporter la noirceur constante et le cynisme mordant des grinçantes mémoires d'Oscar. Il a de l'humour pourtant, l'horrible petit bonhomme, mais un humour coupant et féroce qui nous fait plus souvent sourire jaune que rire aux éclats.

Le style n'est pas non plus des plus aisés ; touffu, excentrique, frôlant parfois le surréaliste, il demande un constant effort de concentration au lecteur pour être apprécié à sa juste valeur. Et encore… J'avoue que durant certains passages (assez rares heureusement) où le tambour d'Oscar s'emballait, enchaînant métaphore et pirouettes stylistiques, mon pauvre cerveau de lectrice lambda se laissait déborder et je lâchais sagement prise, me laissant porter par le tempo des mots sans chercher à percer leur sens outre-mesure. Je ne regrette pas pour autant d'avoir tenté l'expérience. Aussi complexe et dense soit-il, « le Tambour » reste un sacré moment de lecture et nombreuses sont les scènes qui m'ont marquée par leur puissance et leur force évocatrice. En conclusion, un roman très satisfaisant, mais que je ne relirai pas de sitôt. Ma petite tête n'y survivrait pas…

(Autre petit inconvénient : la chanson « Petit tambour Pa-ra-pam-pam-pam » qui m'a tournée sous le crâne pendant l'intégralité de ma lecture. Ca n'a l'air de rien comme ça, mais je vous jure, qu'au bout de 600 pages, on finit par avoir les nerfs en compote. Argh, argh, argh, j'aurais jamais dû en parler ! Maintenant, je l'ai de nouveau dans la tête, pauvre de moi…)
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