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Critique de Lucilou


J'ai su avant même de le commencer que j'aimerai "Les Pays Lointains".
Ce que j'ignorai en revanche, c'est combien j'allais me laisser emporter par le souffle romanesque de l'intrigue imaginée par Julien Green, combien aussi j'allais être transportée par la style de ce dernier, sorte de mélange de flamboyance et de classicisme, qui pourrait laisser penser de ces "Pays Lointains", publiés en 1987 qu'ils sont l'un de ces grands romans de mon cher XIX° siècle. Quasi-victorien même.
Malgré son bon millier de pages (dans l'édition de poche), j'ai dévoré ce roman en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, habitée par ce sentiment délicieux de passion et d'urgence à savoir ce que l'intrigue me réservait. Un vrai coup de coeur comme je les aime.

Ruinée, veuve et un peu trop amatrice de laudanum au demeurant, l'honorable Mrs. Escridge a dû quitter l'Angleterre pour trouver refuge avec sa fille de seize ans -Elizabeth- chez des parents éloignés dans le sud des Etats-Unis, au coeur d'une gigantesque plantation de coton. Bien qu'accueillies à bras ouverts par les Hargrove, véritable clan, le changement est brutal pour les deux anglaises que les us et coutumes, le climat et le paysage de ce Sud, si cher à Julien Green parce que sa mère en était fille, désarçonnent et choquent. Alors que la mère s'enclot dans la solitude et se désespère de son statut de parente pauvre, s'abîmant dans les mirages du laudanum pour oublier les affres du deuil, sa fille tente de se faire une place dans la famille... Elle est pourtant bien souvent livrée à elle-même et observe, intriguée, vaguement inquiète, les habitudes et les habitants de la maisonnée. le patriarche du clan la et mal à l'aise, les fils de ces derniers semblent l'ignorer quant à sa fille, Laura, son catholicisme la heurte. Et que dire de la cohorte de cousins et de cousines, bruyants et parfois inquiétants?
Le Sud est étouffant, mais la demeure est froide et semble receler bien des secrets gardés par une myriade de personnages aussi fascinants qu'inquiétants... La première partie du roman est presque gothique, un peu à la Wilkie Collins. Les pièces mystérieuses succèdent aux couloirs et sont peuplés de fantômes tandis que bruissent les rumeurs de massacres d'indiens, de passions interdites. Celles des souffrances des esclaves aussi. Jetée là, Elizabeth a le mal du pays.
L'action du roman se déroule en 1850, dix ans avant le déclenchement de la Guerre de Sécession et pourtant cette dernière est déjà sur toutes les lèvres inquiétant certains hommes du Sud tandis que d'autres n'attendent qu'elle pour défendre leur honneur et leur mode de vie ailleurs que dans les salons ou au Congrès. Ce versant de l'histoire -ô combien passionnant- des Etats-Unis baigne tout le roman et lui confère une dimension politique et historique indéniable que j'ai trouvé passionnante.
En creux, "Les Pays Lointains" s'inscrit aussi comme une vaste saga romanesque dans laquelle Elizabeth fait le dur apprentissage de la vie et de l'amour, avec une candeur qu'on lui pardonne d'autant plus aisément qu'elle est jeune et construite de telle manière à attiser la sympathie de lecteurs. Et puis, comment lui en vouloir de ses atermoiements? Quel coeur n'aurait pas balancé entre le ténébreux Jonathan et le romantique Ned? le mien se serait emballé sans aucun doute… mais je crois -au terme de ma lecture- que je sais lequel des deux il aurait préféré… Et qui n'a jamais confondu amour et désir- dont la problématique est traité avec une infinie finesse d'ailleurs-?
C'est pour tout ça qu'il faut lire "Les Pays Lointains", vraiment.
Pour cet air de saga, de roman fleuve victorien parsemé d'éclats gothiques.
Pour cette langue superbe.
Pour cet aspect historique.
Pour son atmosphère parfois trouble et douloureuse.
Pour son romanesque, son romantisme un peu échevelé.
Pour son air de XIX° siècle et son souffle romanesque.
Pour la langueur de ce Sud révoltant à bien des égards mais restitué avec une mélancolie touchante.
Pour son héroïne autant que pour ses comparses travaillés, complexes, dénués de manichéisme et pour certains fascinants.
Pour voyager, enfin. Oublier la morosité de janvier et février et la vraie vie qui parfois ressemble si peu à un roman.









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