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Critique de pierre31


Au temps où Louis XIV imposait sa pompe en France, Grimmelshausen publiait en 1668, de l'autre côté du Rhin, un chef-d'oeuvre du roman picaresque, satirique, à la fois sombre et hautement comique, extravagant, par moment même bouffon ou fantastique, bien plus proche de l'univers de Rabelais et du Don Quichotte que de celui du sérieux parfois ampoulé des pièces de Corneille ou Racine.

Ici pas de beaux discours en alexandrins : les premiers nobles que rencontre le narrateur ne sont que des tyranneaux vulgaires qui jurent, bâfrent, boivent puis vomissent avant de remettre ça, tranquillement, le lendemain. Les rois se font une guerre absurde et interminable. La société entière est plongée dans le chaos généralisé, les malins en profitent, les paysans subissent, courbent l'échine et fuient dans la forêt des mousquetaires qui ne sont pas glorieux mais pouilleux, dans tous les sens du terme. C'est moins beau ? C'est plus vrai.

Simplicissimus, le héros, nous raconte sa vie. Recueilli par un ermite après le massacre de sa famille, il découvre après la mort de ce dernier le spectacle du monde, un monde qu'il n'a encore jamais vu. Sa candeur, source de situations drôlatiques, pour qui ne craint pas une certaine crudité, ne fera pas long feu. L'Allemagne est alors en pleine guerre de 30 ans — guerre qui vit passer la population allemande de 23 à 11 millions d'habitants — , le tableau est édifiant : violence, oppression, malheur et misère, de partout ça triche et trompe, vole et viole, pille et tue. Rares sont ceux qui échappent à cet effondrement moral. Dans ce joyeux bordel, Simplex, vite affranchi, est bringuebalé au gré d'un destin qui lui échappe, toujours changeant, servant tantôt un camp, tantôt l'autre, un temps riche puis pauvre à nouveau, bouffon, soldat, brigand, joueur de luth et chanteur, etc., pour finir à la fin, ayant abjuré ses erreurs et retiré d'un monde qu'il réprouve, ermite.

Je n'ai pas de comparaison mais la traduction me paraît excellente. le traducteur a rendu ce texte du XVIIe siècle dans un français de la même époque en utilisant quasi exclusivement, pour trouver le ton, L'histoire amoureuse des Gaules de Bussy-Rabutin. C'est une réussite et pourtant, en commençant, j'ai eu une petite appréhension en lisant la première phrase, tortueuse, qui approche la demi page. Mais dès la deuxième ou troisième page, j'étais rentré dedans. Et cette prose imagée et gaie, malicieuse, pleine de santé, apporte énormément au plaisir de lecture. En français moderne, les aventures de Simplex eussent été nettement moins savoureuses.

Quelques longueurs, des facilités et des invraisemblances ne font pas moins de ce classique un régal et je ne comprends pas pourquoi, si connu en Allemagne, il l'est si peu en France.
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