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Critique de Plumeetencre




À l'instar de ses voisins Baltes, La Lituanie fut victime du Pacte Germano-Soviétique scellé en août 1939, et plus particulièrement des clauses additionnelles tenues secrètes portant sur le partage de l'Europe (centrale, orientale) en deux sphères d'influence.

Envahi dès lors par les troupes de l'armée Rouge, le pays devint une RSS près d'un an plus tard et sa population entra dans une ère de terreur (arrestations arbitraires, condamnations à des peines de travaux forcés, exécutions, déportations massives).

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"Il est 4h30, Kaunas dort. Sans bruit, un convoi de soixante-trois wagons se met en route et emmène 1500 Lituaniens vers une destination lointaine, vers une vie inconnue."

Dalia Grinkevičiūtė (1927-1987) et sa famille comptent parmi les 14 600 Lituaniens qui furent "arrachés" de force à leur terre natale la nuit du 14 juin 1941 par des tchékistes et conduits au-delà du cercle polaire, sur l'île deTrofimovsk en Sibérie.

Rythmé par de nombreux arrêts desservant entre autres une ferme soviétique où dix-huit heures de dur labeur quotidien les attendront, ce funeste voyage en train puis en bateau, dura quatorze mois.

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Perdus au coeur de la toundra Arctique, une des régions les plus froides du monde, tous sans exception d'âge, durent organiser leur survie en improvisant un campement de fortune et oeuvrer à la construction d'une pêcherie.

Lutte acharnée contre les conditions météorologiques extrêmes, contre la faim, contre l'épuisement, contre la maladie, contre la déshumanisation, ce quotidien effroyable prit fin en 1949 lorsque Dalia et sa mère parvinrent à s'enfuir.

"Au cours de l'hiver 1942-1943, la mortalité dans l'île fut plus grande qu'à Leningrad sous le blocus. La moitié des déportés, exilés sans faute ni jugement, y trouvèrent la mort."

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De retour à Kaunas, ces dernières durent restées cachées, craignant à chaque instant une nouvelle arrestation. La jeune femme alors âgée d'une vingtaine d'années se saisit de cette période de clandestinité pour transcrire les souffrances intimes et collectives endurées.

"Les disparus sont toujours bien vivants dans mon coeur. (...) Je les vois encore, impuissants et condamnés, jeunes et âgés, enfants et adolescents, morts si douloureusement après avoir tant désiré retourner un jour en Lituanie…Mon devoir est de parler d'eux."

Écrit dans un style concis puissamment évocateur, ce manuscrit inachevé et longtemps gardé secret, forme la première partie du présent ouvrage. À l'horreur décrite sans ambages ni pathos se mêle une force morale absolument incroyable.

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Interceptée par le KGB puis ballotée de prison en prison avant d'être envoyée au goulag pour évasion, elle retrouva sa liberté en 1953 après le décès de Staline.

Mue par une rage inextinguible d'avancer, Dalia se forma à la médecine et exerça durant quatorze ans au sein d'un petit hôpital de campagne situé à Laukuva jusqu'en 1974, date à laquelle elle fut congédiée sous l'impulsion du pouvoir politique en place.

Pensant avoir égaré ses précédentes notes (restaurées posthume en 1991), elle reprit sa plume afin de rédiger ses mémoires. Ainsi vit le jour la seconde partie de ce livre. Moins descriptive, empreinte de lucidité et de maturité, cette dernière se veut davantage dénonciatrice du système soviétique.

"Seule existe la vérité du Parti et il n'y en a pas d'autres."

Affaiblie par la maladie et les privations dont elle fut victime dès quatorze ans, Dalia s'éteignit le 25 décembre 1987 sans avoir eu la chance de connaître son pays indépendant et libre.

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Son unique faute fut d'être Lituanienne et elle l'aura payé au prix fort toute sa vie. Un témoignage bouleversant et enrichissant humainement que je vous invite à découvrir…
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