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Critique de colimasson


Envoyé en Arménie pour un travail de traduction, Vassili Grossman observe ce pays inconnu d'un regard qui se veut critique. Il rédige pour l'occasion ce qui sera sa dernière oeuvre, témoignage de l'aboutissement d'un parcours biographique tumultueux alimenté par de nombreux revirements idéologiques dans un cadre politique incertain. Résultat : l'observation du peuple arménien permet à Vassili Grossman de constater que les règles de stigmatisation culturelle n'agissent pas. Les Arméniens ne sont ni bons, ni mauvais, ce sont des hommes comme tous les autres. Vassili Grossman cherche à capter l'étrange fusion de l'âme chrétienne et du souvenir païen qui caractérise, selon lui, le soubassement de la vie arménienne, semblant réellement surpris de constater que le catholikos est plus mondain que spirituel, et que la plus grande foi se dévoile plus facilement parmi les petites gens du peuple. On redécouvre ainsi que l'habit ne fait pas le moine.


D'une manière plus générale, la découverte de ce pays et de ce peuple étrangers permet à Vassili Grossman de pratiquer la théorie qu'il aura mûrie toute sa vie : rien n'est absolument bon ni mauvais. On mangeait de la délicieuse truite du lac Sevan mais la pêche est maintenant interdite, l'eau du lac ayant été trop massivement utilisée pour le développement technologique du pays. Les traditions relient les vivants à leurs aïeux et leur permettent de construire des liens sociaux basés sur les figures de l'éternel, mais les traditions sont violentes et ne prennent pas en compte les désirs immédiats des vivants. Enfin, peut-on accepter absolument toutes les figures arméniennes lorsque certains arméniens se montrent plus bornés et dangereux que des hommes politiques dévastateurs ?


Rien de neuf sous le soleil mais dans le contexte de publication du livre, Vassili Grossman s'inscrivait à contre-courant de la pensée idéologique dominante. Son oeuvre a d'ailleurs été censurée. Malgré les indications de la préface, nous lisons donc un texte corrigé et appauvri, ce qui explique peut-être en partie la déception. On s'attend à un livre qui prend la pensée à bras-le-corps pour remuer les opinions établies, et on se retrouve finalement avec un hors-d'oeuvre bien refroidi. C'est peut-être le signe que l'opinion d'aujourd'hui s'est enfin alignée à celle qu'avait Vassili Grossman dans les années 60, c'est peut-être le signe qu'on peut enfin passer à l'étape suivante.
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