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Critique de berni_29


Quand j'étais enfant, j'adorais les contes, ne serait-ce que pour cette première phrase magique qui ouvrait la page comme un mot de passe, une sorte de « Sésame, ouvre-toi ! »...
Et puis, il y avait toujours cette conclusion dont notre candeur ne soupçonnait pas encore toute la dimension conventionnelle et presque ridicule qu'elle pouvait revêtir, mais qui nous réconciliait cependant avec la sérénité que nous attendions après moultes péripéties vécues au travers de l'histoire que Maman venait de me lire au bord du lit : « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ».
Les contes ont-ils cette force plus forte que la réalité ? Une sorte de magie, une mise en abyme dans nos vies ordinaires, un chemin pour peut-être passer plus facilement des messages ?
Il était une fois, il était plusieurs fois, il était malheureusement plusieurs fois, il était ici six millions de fois, six millions de vies détruites, une seule vie détruite aurait été une fois de trop... Il était six millions de fois de trop...
C'est un conte, une façon de dire et répéter inlassablement : « plus jamais ça ! ». Le dire aux jeunes, aux moins jeunes, à nos enfants, à nos voisins, à nos amis, à nos collègues de travail, aux autres... Cette foule immense...
Ici, donc il s'agit bien d'un conte, La plus précieuse des marchandises, un récit que nous conte Jean-Claude Grumberg.
La plus précieuse des marchandises raconte l'histoire d'un couple de juifs français arrêtés et parqués à Drancy, puis envoyés ensuite en train à bestiaux vers l'extermination.
C'est ce train de marchandises qui traverse une forêt, traverse la nuit, traverse la guerre, continuera de traverser des vies et des vies inexorablement. Le couple a des jumeaux, Henri et Rose, juste nés, accrochés encore au sein vide de leur mère. Le père se rendant compte de leur martyre prochain, jette du train, à travers la grille, sa petite fille Rose emmaillotée dans un châle de prière.
Le train repart vers là-bas. Une femme, bûcheronne, ramasse cette « marchandise » dans la neige au bord du chemin de fer où file ce train vers la mort, cette chose emmitouflée d'où émerge brusquement le visage d'un nourrisson... C'est le début du conte, le début d'une histoire qui va bouleverser la vie de cette bûcheronne et de son mari bûcheron...
C'est un conte façonné de nuits et de brouillards, de larmes et de cendres. De soleil aussi...
Oui c'est un conte. Il y a des gentils, il y a des méchants. La douleur et ĺa mort sont là en pagaille, il y en a qui survivent, se relèvent, reviennent parfois... Il y a une intrigue. Une façon de revenir à la vie, vers l'univers des vivants.
J'ai été ému par ce récit. Il est magnifique. Il est intemporel. Hélas, intemporel... Oui, nous voudrions que ce conte évoque des temps anciens... Qu'en est-il alors des guerres d'aujourd'hui, des femmes, des enfants maltraités ici ou ailleurs par les guerres et les autres maux ?
Les contes ont cette vertu : celle de se transmettre aux générations futures... À commencer par nos enfants. C'est, selon moi, un conte à lire aussi dans les écoles, à diffuser à grandes doses, sans retenue...
Ici, le texte, avec pudeur, s'abstient de toute morale. Aucune leçon, si ce n'est un message d'amour. L'amour à nos enfants, l'amour à ceux qu'on aime. L'amour pour les protéger du malheur possible. L'amour pour tenir à distance la barbarie...
Alors, les contes sont-ils des histoires vraies ou pas ? Vaste question soulevée avec une subtile ironie à la fin du texte et qui peut décontenancer le lecteur. J'ai adoré cette étonnante pirouette.
J'ai aimé cette histoire d'amour universelle et puissante. Un cri du cœur qui nous aide à répéter inlassablement ce devoir de mémoire : plus jamais ça !
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