Le présent n’est donc pas que le reflet du passé et du futur. Il se dote de multiples visages. Son âge et sa profondeur varient de lieu en lieu. On peut préférer ignorer ces « traces » et faire comme si elles n’existaient pas. Mais, pour peu qu’on les prenne au sérieux, elles jettent les fondements d’une histoire globale qui s’est amorcée dès le XVIe siècle entre le Mexique et les presses européennes de la Renaissance, avant de confronter, cinq siècles plus tard, le Brésil aux grands studios asiatiques.
« La plupart du temps, nous vivons des choses sans savoir ce qu’elles signifient sur le moment, sauf d’une manière fort superficielle. Ce n’est que plus tard qu’elles deviennent importantes ou prennent une résonance singulière. »
Saisir de quoi est fait le présent est aussi compliqué que de reconstituer un passé avec les fragments que le temps en a préservés. Il faut commencer par un travail de repérage et de contextualisation. Identifier les différentes strates composant un moment ou une scène, retrouver les espaces et les temps qui convergent en un même lieu, décrypter le hors-champ, s’ouvrir aux réminiscences qu’inspire l’image, autant d’étapes qui appellent invariablement un regard historique.
On comprend que le présent file entre les doigts sans se laisser jamais capturer. « L’ennuyeux, rappelait Hannah Arendt, c’est que nous ne semblons ni équipés ni préparés pour cette activité de pensée, d’installation dans la brèche entre le passé et le futur. » Le présent ne possède jamais de contours précis : il s’alimente d’un flot de stimuli, de sensations, d’images, de pressentiments, de bruits et d’« actualités » dont notre mémoire ne fixe que des bribes. Pas plus que le passé, le présent n’est donc donné. Pourtant, c’est de lui, et donc du monde contemporain, qu’il faut partir pour remonter le temps.
« C’est dans le passé et le futur qu’on voit le présent. »