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Critique de GeorgesSmiley


Ce petit roman devrait beaucoup plaire :
Pour Jeanne, l'héroïne qui aime Fidel Castro, la Révolution et, comme le prétendait l'inénarrable Georges Marchais, le bilan globalement positif du communisme.
Pour Ruben, l'orphelin rescapé de la guerre civile d'Espagne, amoureux transi de Jeanne qu'il se décide enfin à recontacter, pour un dernier paso doble amoureux.
Pour l'écriture soignée et suggestive. Par exemple la superbe description de Toussaint où éclatent les couleurs et résonnent les propos convenus sur les disparus. En deux pages, à peine plus loin, c'est le monde rural qui défile, les vieux qui surveillent, les garçons qui enfourchent leurs mobylettes bleu pâle, les parents, inquiets de la pérennité de la ferme, soupesant le galant, l'éloignant s'il ne convient pas, lui laissant le champ libre si on peut s'en accommoder; l'ennui, les rêves d'évasion, les premiers émois dans le foin, la remise des prix de fin d'année et le départ pour Guéret, pour la ville, pour l'aventure. « le lycée Léon Blum et l'école d'éducateurs, l'adhésion aux jeunesses communistes : le monde s'ouvre. »
Pour l'émotion suscitée par des personnages monolithiques, accablés d'avanies subies lors de tragiques pages d'histoires et pétris de bons sentiments. La guerre d'Espagne, la fuite d'un enfant à travers les Pyrénées, le camp de réfugiés d'Argelès, l'exil en Algérie, les enfants de républicains enlevés à leurs parents avant leur exécution, les militants du FLN mitraillés par l'OAS à Oran, les indignés de la Puerta del Sol, tous devraient tirer des larmes assez facilement même si, pour qui a lu Orwell, Dos Passos, Cercas ou Munoz Molina, l'histoire de la guerre d'Espagne, où aucun des camps n'avait le monopole des exactions, se révèle un peu plus complexe. Certains historiens iraient même jusqu'à murmurer que l'OAS n'avait pas non plus celui des attentats et des massacres.
Dois-je avouer que je n'ai vraiment pas aimé cette lecture et son ton général, que ce personnage de soixante-huitarde de soixante-huit ans m'a prodigieusement agacé, que ses bons sentiments et ses lunettes roses « progressistes » m'ont considérablement irrité ?
J'avais déjà sursauté avec « l'adhésion aux jeunesses communistes : le monde s'ouvre », enthousiasme de jeunesse, mais quand, cinquante ans plus tard, « perseverare diabolicum », elle porte le deuil de Fidel Castro « je me suis toujours sentie fière et heureuse d'avoir partagé son idéal. Crois-tu que j'étais folle ? », j'ai vraiment eu envie de lui répondre « oui ». Un personnage de cette nature est tout à fait envisageable, il a sa cohérence, il y en a en vrai, parait-il, là n'est pas le sujet. Il aurait pu être intéressant de le confronter à d'autres opinions ou à des situations l'amenant à se poser des questions. On croit que cela va venir lors de la visite de son fils, mais non, chacun campe sur ses positions, il s'en va, c'est bouclé en trois pages, basta ! Ce roman, encore une fois bien écrit, est malheureusement dépourvu de tout personnage présentant une vision différente, une opinion divergente, on reste dans l'entre-soi et c'est dérangeant, surtout quand on n'est pas de ce sérail.
Je le quitte donc avec le sentiment pénible d'avoir lu quelque chose en rapport avec ce que Philip Roth fait dire à un des personnages de « J'ai épousé un communiste » :
« Comment peut-on être artiste et renoncer à la nuance ? Mais comment peut-on être politicien et admettre la nuance ? Rendre la nuance, telle est la tâche de l'artiste. Sa tâche est de ne pas simplifier. Même quand on choisit d'écrire avec un maximum de simplicité, à la Hemingway, la tâche demeure de faire passer la nuance, d'élucider la complication, et d'impliquer la contradiction. Autrement, on produit de la propagande, sinon pour un parti politique, un mouvement politique, du moins une propagande imbécile en faveur de la vie elle-même – la vie telle qu'elle aimerait se voir mise en publicité. »
Et pour en finir avec le romantisme de la Révolution, qui lui-aussi m'agace, citons Orwell : « le pouvoir n'est pas un moyen, il est une fin. On n'établit pas une dictature pour sauvegarder une révolution. On fait une révolution pour établir une dictature. La persécution a pour objet la persécution. La torture a pour objet la torture. le pouvoir a pour objet le pouvoir. »
Relisons Soljenitsyne.
Lu dans le cadre des Explorateurs de la rentrée littéraire de Lecteurs.com
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