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EAN : 9782361390372
192 pages
Le Mot et le reste (22/08/2019)
3.95/5   10 notes
Résumé :
25 novembre 2016, Raúl Castro annonce la mort de son frère. Depuis son plateau ardéchois Jeanne sent le vent du passé raviver sa jeunesse révolutionnaire. Mais lorsque la lettre d’un ancien camarade, amour de jeunesse inachevé fait surgir les souvenirs, un puissant désir d’avenir la submerge. Depuis Cassis, Ruben a trouvé la force d’écrire, lui qui ne sait plus rien d’elle depuis si longtemps. En dépit des idéaux qui les ont amenés à se rencontrer et à s’aimer, c’es... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Jeanne, 68 ans, vit retirée au Revest sur le haut plateau ardéchois. Originaire de la Creuse où toute jeune, elle a laissé ses parents et la ferme familiale pour le lycée et s'engager pleinement dans les jeunesses communistes, engagement qui la conduira jusqu'à Cuba durant l'été 1967, fêter la Révolution et rencontrer Fidel.
Lorsque ce 25 novembre 2016, elle apprend la disparition de Fidel Castro, El Commandante, à l'âge de quatre-vingt-dix ans et que retentit dans le poste " hasta la victoria siempre ", c'est pour elle comme un nouvel appel à la révolution, le besoin de repartir, avant qu'il ne soit trop tard.
À quelques jours d'intervalle, lui est parvenue une lettre inespérée de Ruben, son ancien amour qui lors de son départ pour Cuba n'avait pas voulu la suivre, bien qu'épris de liberté, ne supportant pas le sang versé quelle qu'en soit la cause. Celui-ci, ancien réfugié espagnol qui a fui le franquisme avec sa grand-mère, arrivé à Argelès puis à Oran, Paris, vit maintenant à Cassis. Il est resté traumatisé par cette violence et est obnubilé par le sang. Dans sa lettre, il lui écrit son amour toujours vivace et lui propose de le rejoindre. À ce moment-là, elle sait que son départ ne saurait tarder. Elle décide de passer Noël au Revest avec ses amis Madeleine, Marcel, Paul, Justine et les autres ainsi qu'avec Manuel, ce fils qui s'était éloigné d'elle. Elle partira le 3 janvier.
L'amour a survécu aux années et les convictions également.
Dans ce roman, la description des paysages est magnifique et l'auteure nous fait respirer la nature à plein nez, que ce soit avec la burle sur le haut plateau de cette belle Ardèche sauvage ou avec l'air marin de Cassis et ses environs. Catherine Gucher réussit à nous faire ressentir la rudesse de l'hiver ardéchois que la solidarité permet de bien supporter et à nous faire déambuler avec Ruben dans les ruelles de Cassis. Dans les deux cas, Jeanne et Ruben ne sont pas seuls et les attentions qu'ils portent à leurs voisins ou amis nous touchent énormément. Cette solidarité qu'ils pratiquent vis à vis des autres et qui est leur vraie nature est touchante mais ne les empêche pas de ressasser le passé. Pour Ruben surtout, ce passé très traumatisant le hante et il ne parvient pas à oublier. Cette guerre d'Espagne pour lui et cette révolution cubaine pour elle sont les deux pivots du roman et l'union de ces deux êtres pourrait peut-être bien les aider à surpasser ces peurs et les apaiser.
En entremêlant ces événements historiques au récit de la vie de ses personnages, Catherine Gucher nous livre un roman passionnant nous permettant de revenir et de réfléchir à ces luttes passées qui ont malmené des peuples et laissé des cicatrices et de vivre une magnifique histoire d'amour, d'amitié, de liberté où la nature est un personnage à part entière.
J'ai été emportée dès le début du roman par ces personnages qui ont gardé toutes leurs convictions et leurs retrouvailles leur montreront que tout reste à vivre.
Et qu'importe la révolution ? est un roman original, émouvant, politique, poétique, rythmé et aussi un beau roman d'amour que j'ai eu le très grand plaisir de lire grâce aux éditions le mot et le reste et à Babelio lors d'une masse critique privilégiée. Je les remercie sincèrement.

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Et qu'importe la révolution ? Tout l'esprit du livre de Catherine Gucher est dans son titre, un récit plein de nostalgie, de réflexions sur le temps qui passe, sur l'amour, l'amitié et la fin des illusions.
En arrière-plan de tout cela, il y a ce sang, ce sang versé par tant d'innocents, toutes ces souffrances, ces vies brisées, impossibles à rattraper. Pourquoi, en fin de compte ?
Au cours de ma lecture, j'ai été touché par le cadre du début de l'histoire, par ce haut-plateau ardéchois où la vie est si rude. Ardéchois moi-même, je ne le connais qu'en été où la vie explose et où la fraîcheur est si appréciable. Ici, Jeanne vit dans un hameau, pas très loin de Saint-Cirgues-en-Montagne, près du Mont Gerbier de Jonc, et elle s'est installée comme quelques autres venus chercher un cadre de vie plus authentique malgré sa rudesse.
Elle a 68 ans. Devant sa télévision, elle apprend la mort de Fidel Castro, le Lider Maximo, à Cuba. Alors, remontent en elle quantité de souvenirs, ses années de militantisme au parti communiste et ce séjour à Cuba, en 1967. Elle avait à peine 20 ans et vivait au coeur de la révolution cubaine : Hasta la victoria siempre !
À partir de là, elle va retrouver Ruben, un amour de jeunesse qui a fui la guerre civile, les troupes franquistes, avec son abuelita, sa grand-mère. Il est à jamais marqué, traumatisé par tout ce sang versé.
L'Espagne prend alors le dessus sur l'Ardèche et Cuba mais c'est pour mieux faire ressentir toute l'ambiguïté d'une révolution, ses grands idéaux et ses ratés, ses échecs difficilement évitables. Jeanne passera par Cassis puis Madrid mais j'ai trouvé bien trop long le temps passé avant son retour, enfin, à La Havane où l'autrice expédie un peu vite le bilan de ces retrouvailles.
Et qu'importe la révolution est un roman mêlant psychologie et Histoire, débat intérieur et déroulement inexorable de la vie. Pour certains, elle est dramatique écourtée, pour d'autres, il est souvent difficile, voire impossible d'oublier le passé.
Reste enfin un peuple, sur une île des Caraïbes, qui s'est battu pour se libérer d'un dictateur afin de tenter d'établir une société idéale. Rien n'est parfait, surtout quand un voisin surpuissant s'acharne à priver ce peuple si attachant de l'essentiel. José Martí, Camilo Cienfuegos, Vilma Espín, Fidel Castro et surtout Ernesto Che Guevara ne sont plus là mais d'autres tentent de poursuivre ce qu'ils ont entrepris. Puissent-ils ne pas oublier les valeurs fondamentales qui ont guidé leurs aînés !

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Ce petit roman devrait beaucoup plaire :
Pour Jeanne, l'héroïne qui aime Fidel Castro, la Révolution et, comme le prétendait l'inénarrable Georges Marchais, le bilan globalement positif du communisme.
Pour Ruben, l'orphelin rescapé de la guerre civile d'Espagne, amoureux transi de Jeanne qu'il se décide enfin à recontacter, pour un dernier paso doble amoureux.
Pour l'écriture soignée et suggestive. Par exemple la superbe description de Toussaint où éclatent les couleurs et résonnent les propos convenus sur les disparus. En deux pages, à peine plus loin, c'est le monde rural qui défile, les vieux qui surveillent, les garçons qui enfourchent leurs mobylettes bleu pâle, les parents, inquiets de la pérennité de la ferme, soupesant le galant, l'éloignant s'il ne convient pas, lui laissant le champ libre si on peut s'en accommoder; l'ennui, les rêves d'évasion, les premiers émois dans le foin, la remise des prix de fin d'année et le départ pour Guéret, pour la ville, pour l'aventure. « le lycée Léon Blum et l'école d'éducateurs, l'adhésion aux jeunesses communistes : le monde s'ouvre. »
Pour l'émotion suscitée par des personnages monolithiques, accablés d'avanies subies lors de tragiques pages d'histoires et pétris de bons sentiments. La guerre d'Espagne, la fuite d'un enfant à travers les Pyrénées, le camp de réfugiés d'Argelès, l'exil en Algérie, les enfants de républicains enlevés à leurs parents avant leur exécution, les militants du FLN mitraillés par l'OAS à Oran, les indignés de la Puerta del Sol, tous devraient tirer des larmes assez facilement même si, pour qui a lu Orwell, Dos Passos, Cercas ou Munoz Molina, l'histoire de la guerre d'Espagne, où aucun des camps n'avait le monopole des exactions, se révèle un peu plus complexe. Certains historiens iraient même jusqu'à murmurer que l'OAS n'avait pas non plus celui des attentats et des massacres.
Dois-je avouer que je n'ai vraiment pas aimé cette lecture et son ton général, que ce personnage de soixante-huitarde de soixante-huit ans m'a prodigieusement agacé, que ses bons sentiments et ses lunettes roses « progressistes » m'ont considérablement irrité ?
J'avais déjà sursauté avec « l'adhésion aux jeunesses communistes : le monde s'ouvre », enthousiasme de jeunesse, mais quand, cinquante ans plus tard, « perseverare diabolicum », elle porte le deuil de Fidel Castro « je me suis toujours sentie fière et heureuse d'avoir partagé son idéal. Crois-tu que j'étais folle ? », j'ai vraiment eu envie de lui répondre « oui ». Un personnage de cette nature est tout à fait envisageable, il a sa cohérence, il y en a en vrai, parait-il, là n'est pas le sujet. Il aurait pu être intéressant de le confronter à d'autres opinions ou à des situations l'amenant à se poser des questions. On croit que cela va venir lors de la visite de son fils, mais non, chacun campe sur ses positions, il s'en va, c'est bouclé en trois pages, basta ! Ce roman, encore une fois bien écrit, est malheureusement dépourvu de tout personnage présentant une vision différente, une opinion divergente, on reste dans l'entre-soi et c'est dérangeant, surtout quand on n'est pas de ce sérail.
Je le quitte donc avec le sentiment pénible d'avoir lu quelque chose en rapport avec ce que Philip Roth fait dire à un des personnages de « J'ai épousé un communiste » :
« Comment peut-on être artiste et renoncer à la nuance ? Mais comment peut-on être politicien et admettre la nuance ? Rendre la nuance, telle est la tâche de l'artiste. Sa tâche est de ne pas simplifier. Même quand on choisit d'écrire avec un maximum de simplicité, à la Hemingway, la tâche demeure de faire passer la nuance, d'élucider la complication, et d'impliquer la contradiction. Autrement, on produit de la propagande, sinon pour un parti politique, un mouvement politique, du moins une propagande imbécile en faveur de la vie elle-même – la vie telle qu'elle aimerait se voir mise en publicité. »
Et pour en finir avec le romantisme de la Révolution, qui lui-aussi m'agace, citons Orwell : « le pouvoir n'est pas un moyen, il est une fin. On n'établit pas une dictature pour sauvegarder une révolution. On fait une révolution pour établir une dictature. La persécution a pour objet la persécution. La torture a pour objet la torture. le pouvoir a pour objet le pouvoir. »
Relisons Soljenitsyne.
Lu dans le cadre des Explorateurs de la rentrée littéraire de Lecteurs.com
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Touchant, saisissant, « Et qu'importe la Révolution ? » est un roman à apprendre par coeur. Sa qualité première soulève un vent d'humilité et de fraternité. Sa beauté est vertu. On peut rester courber des heures devant l'harmonie de la trame. La puissance verbale, signifiante, affirme, sa dignité. L'envolée du sens, de la forme, du donnant, enclenche une histoire sentimentale, engagée, existentialiste. Catherine Gucher est douée. Elle sait, peint une oeuvre généreuse, vivifiante dans une intimité hors norme. Ses personnages sont nos alliés, salvateurs combattants de cette intériorité dont il ne faut pas craindre l'ombre. « Jeanne sait que ce qui la sépare de son fils, une vision du monde, les voix des exilés, les dénonciations des militants des droits de l'homme. Elle comprend le refus du vieux monde, d'un ordre trop établi qui, ne laisse aucune place à ces trentenaires désabusé… » « Leurs regards ne se portent pas au même endroit. » Ce récit est la mappemonde des idéaux écartelés. Un chant grave et pur, l'ode, des amours vrais enracinés dans les différences et la constance du nostalgique. Ruben, l'ubiquité entre l'Espagne et les oppressions sous l'ère de Franco, l'Algérie l'accueillante et ses orangers altruistes, le sud de la France et ses douceurs chaleureuses. Jeanne qu'il aime en résilience d'un passé qui aurait pu joindre les mains de ces Héloïse et Abélard. L'éternel retour à flanc de montagne. « C'est dans la clarté qu'il retrouvera Jeanne, elle le reconnaîtra à l'odeur d'argousier qu'il porte sur sa peau lorsque l'ombre est absente. » Cette histoire est l'enivrant de l'existence. Ce qui se passe dans ce diapason où les regrets sont un solfège de lumière. Faut-t-il dire ici ce qui va advenir de ces êtres qui se retrouvent, gerbes de blé en regain dont ils ne veulent pas bouger un seul grain ? Ruben le cosmopolite, Jeanne la Cubaine. Taire le furtif, le délicat, le doigt glissant subrepticement sur un bras nu. Taire l'embrasement des retrouvailles. « Hasta la victoria sienne » « El pueblo unido jamàs serà vencido » « Ces mots sont ceux de Jeanne à jamais. » Jeanne, solennelle, libre va célébrer la liturgie du crépuscule de ses jours. Ouvrir les rideaux et quêter la splendeur du retour en soi. Ce récit publié par Les Editions « le mot et le reste » trouve sa voie dans la ligne éditoriale si intuitive. le mot : dire, le reste : assembler. « L'homme est toujours plus qu'il ne sait de lui-même et que les autres ne savent de lui. » A méditer. En lice pour le Prix Hors Concours 2019 Gaëlle Bohé , c'est une grande fierté, enrobée de chance.
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Le soleil, la mer et l'horizon, un paysage méditerranéen, et en lettre rouge «  Et qu'importe la révolution ? » titre du roman de Catherine Gucher. Telle est la première de couverture.
Grâce à masse critique, je viens de découvrir cette oeuvre, et cette maison d'édition « Le mot et le reste ». le rouge est récurrent dans l'oeuvre - celui du sang, de la passion, d'une robe- ; la mer est salvatrice pour Ruben, séparation de continent et d'hommes pour Jeanne et son fils, symbole d'émigration ; la révolution est celle de Fidel Castro, associée à la guerre d'Espagne et au franquisme, à la guerre d'Algérie.
Au début du roman, le lecteur peut être agacé par l'idéalisation du communisme, idéalisation qui perdure dans le coeur de l'héroïne, malgré le temps, malgré la vérité que tout le monde connaît - et qui va la rattraper...

Ce roman n'est pas l'apologie du communisme mais, bien au contraire, une réflexion sur la jeunesse, les raisons de ses engagements, le désir de la réalisation de pensées utopiques, de rêves, même au détriment d'amours naissantes. C'est le récit d'une attente fidèle, amicale ou amoureuse, le récit de la recherche de ses racines, de ce qui constitue l'équilibre humain, c'est l'acceptation du passé pour vivre le présent et tenter de construire l'avenir qui reste, c'est la confrontation de ses idéaux à la réalité historique, c'est peut-être perdre des illusions, mais pour retrouver autre chose.

Et tout cela dans une langue joliment travaillée, malgré quelques facilités au début, et avec un art consommé du rythme lié à la longueur des chapitres. Au début, ils sont courts, laissant planer une atmosphère, se pliant aux thèmes de l'attente, de la réflexion, du désir hésitant. Ils s'allongent un peu sur la fin quand il faut vivre pleinement les rencontres, les découvertes, les retrouvailles. La langue est belle, poétique, capable de s'appuyer sur des détails du quotidien qui le font vivre pleinement. Les échanges entre les personnages sont riches, chacun prenant le temps de choisir le mot pour être au plus près de son idée, de ses sentiments, de ses émotions. Un magnifique moment de lecture.
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critiques presse (1)
Actualitte
23 août 2019
Ce livre est superbe. Il faut reconnaître à Catherine Gucher une plume d'une douceur et d'une poésie infinies. Même avec les mots les plus terribles et les plus durs.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Sur le canapé du salon, où Mario l'a laissé, Ruben sent dans son ventre un petit serpent de peur qui rampe doucement, sans faire de bruit. Il remonte dans son estomac et déjà son venin se propage dans sa gorge. Cet animal ne cesse de le torturer depuis longtemps et ce que craint le plus Ruben, c'est l'odeur du sang qu'il traîne avec lui. Il n'est jamais parvenu à s'en défaire. Et à chaque fois,les mêmes images reviennent : les murs de la ruelle des étoiles éclaboussés du sang des jeunes villageois qui courent pour échapper aux balles des franquistes, la grand-place d'Oran et les corps des militants du FLN tombés sous les grenades de l'OAS, la rivière rouge qui coule sur la jambe d'un frère... Et toujours le même vacarme, comme le mugissement terrible d'une horde de fauves déchaînés. C'est à cause de ce petit serpent-là qu'il s'oblige à nager chaque matin dans les bras de la mer.
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De l'Espagne, personne ne parlait plus. Et quand sa voix d'enfant curieux laissait sortir une question, l'abuelita et les voisines mettaient leurs mains sur sa bouche en guise de bâillon. Maintenant il aimerait savoir. À cause de la vieillesse peut-être, avant qu'il ne soit trop tard. Il n'espère pas retrouver le parfum de sa mère, ni la rudesse piquante de la barbe de son père. Trop de temps passé. Mais peut-être le parfum d'une étoffe, une tombe, un lieu : s'agenouiller, pleurer, remonter jusqu'au bout les méandres de leur vie, pour que la sienne s'apaise enfin.
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- On ne sait pas vraiment ce que pensent les enfants. Alice et Antoine sont heureux depuis que nous avons ouvert les chambres d'hôtes. Ils ne supportaient pas de nous voir paysans. Et comme ton fils, ils ne montent pas très souvent. Mais je ne suis pas certaine qu'ils soient si différents de ce que nous étions à vingt ans. Nous n'avions pas envie de nous laisser enfermer dans les vieilles habitudes de nos parents. C'est tout pareil pour eux. Et on peut se réjouir qu'ils ne soient pas pendus à nos basques... C'est ce que nous voulions, non, les rendre libres ?
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Ils tournent alors le dos aux bâtiments et tirant sur les cigarettes américaines, qui leur donnent l'impression d'être prêts à embarquer sur un transatlantique, ils enfourchent leurs mobylettes Peugeot bleu délavé, et filent dans le soir orangé, vers le hameau voisin, où les attend une fille, dans une autre ferme. Les ceintures de haie vive limitent la vue et préservent les modestes propriétés, qui défendent sauvagement leur espace alors qu'il n'y a rien à défendre. Les chiens aboient, féroces, lorsqu'ils les entendent s'approcher, sur leurs engins pétaradants. La fille guette à la fenêtre du premier et on peut deviner le geste de sa main qui révise sa coiffure avant de descendre. Puis le rideau jauni retombe et tout redevient immobile. Déjà, dans la cour, le père entreprend le visiteur et cherche à connaître l'étendue des dégâts provoqués par les orages de grêle des deux derniers jours. L'avenir de sa ferme passe par la route et par cette mobylette bleue, qui augure un mariage à venir, peut-être. La fille pourrait être promise, le garçon semble travailleur. Alors, dès qu'elle arrive dans la cour, il se retire pour laisser les tourtereaux apprivoiser le futur. Et lorsque la nuit tombe vraiment, c'est dans les haies ou à l'abri d'un chariot de foin, qu'ils connaissent leurs premiers émois. Ce pays fermé offre quelques avantages. Il sait garder le silence.
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Il croise de longues ombres noires, des silhouettes que rien ne distingue les unes des autres. Elles marchent sans bruit, la tête haute, le visage masqué, enveloppées de l’habit linceul, qui les recouvre, les protège et les fait disparaître aux yeux des hommes. Elles forment une troupe hautaine et silencieuse, regards cachés sous le voile, qui traverse l’espace, et le blesse, le ramène en arrière, au lieu de la douleur.
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