Un métier, jamais neutre bien sûr, et qui n'est jamais une sinécure ! Souvent pour la génération des IT de Bruno Guérard, la mienne, un peu plus tard, un sacerdoce ! Je crois que les choses ont quelque peu changé…
J'ai retrouvé à travers son récit des personnalités attachantes, à l'origine de textes fondateurs, dont Claude Chetcuti qui fut mon premier directeur départemental et mon mentor. Un homme pas toujours facile à côtoyer, j'ose même dire caractériel, mais d'une probité à toute épreuve, le Ministère du travail lui doit beaucoup.
Un métier pas si facile à exercer, notamment pour une femme : grimper à l'aide d' une échelle sur un toit, alors que la température s'élève à plus de 40 °, pour aller examiner la conformité d'un échafaudage, ou devoir revêtir une combinaison étanche pour contrôler un chantier de désamiantage… Il faut le faire et je l'ai fait en cachant bien souvent des grimaces de fatigue.
Mais métier valorisant où il faut aussi savoir manier la diplomatie sans user du bâton, en l'occurrence du procès verbal sanctionnant une infraction (c'est encore plus valorisant) …
Un livre qui dévoile un peu plus toutes les facettes de ce métier … pas toujours bien compris ou apprécier pour certains...
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L'inspection et les services de l'emploi, embryonnaires avant la guerre, sortent très mal en point des missions reçues du régime de Vichy.
Dans l'ombre, ils les ont exercées d'une façon qui s'explique dans le contexte de subordination et de routine administrative. Combien ont eu une conduite de héros ? Bien peu dans la hiérarchie et le corps d'inspection (...)
Beaucoup cependant, surtout dans les sans-grade et les embauchés temporaires pratiquent ce que l'on peut appeler des actes individuels et ponctuels de résistance. En fonction des opportunités et des demandes, ils font de faux papiers de travail obligatoire, font savoir aux intéressés quand il est nécessaire de disparaître physiquement pour éviter le prochain passage de la gendarmerie venant chercher les réfractaires.(...) Les auteurs de ces actes courageux, (...) sans être véritablement des résistants , ont pu éviter des destins tragiques et permettre des choix décisifs.
Pendant ces temps, les inspecteurs reçoivent la consigne de visiter activement les entreprises pour mettre en place les comités sociaux de Vichy, la Charte du travail e les comités d'hygiène et sécurité. Ils doivent s'exécuter. Ils doivent collecter les noms de volontaires désignés par les employeurs pour constituer de nouveaux syndicats. Ceux-ci doivent rompre avec ceux d'avant-guerre et s'inscrire au sein de familles professionnelles rassemblant les salariés et les employeurs. Les responsables de ces nouveaux syndicats sont nommés par arrêté signé du ministre du Travail. Un comble pour une organisation représentative !
Les inspecteurs doivent encore s'exécuter. L'une des tâches confiées est enfin la constitution d'inventaires de la main-d'oeuvre et la réquisition d'une partie de la classe ouvrière française pour la livrer aux usines de l'ennemi.
Dans la réalité politique d'alors et dans le contexte du travail obligatoire, c'est la pire trahison que l'on puisse imaginer.
A la libération, il y a tant de "cadavres dans les placards" que ce sujet devient tabou. Pendant cinquante ans, le silence reste la règle.
En 1992 encore, un jeune inspecteur, faisant diverses recherches sur l'histoire de l'inspection se voit ordonner de biffer certains passages de ses textes prêts à l'édition et conseiller à plusieurs reprises de faire cesser ses allusions aux événements de cette période...
(...)Durant près de vingt ans, entre les années 1968 et 1986 la génération assurant des fonctions réelles d'inspection vivait une certaine unité entre les missions de l'inspecteur de 1913 et celles de 1945 et de l'après 68.
Elle se doit d'en laisser les traces pour que ce droit particulier, protecteur et producteur d'égalité, dissymétrique, d'ordre public, ne soit pas trop vite oublié.
Le droit du travail est par excellence un droit devant se traduire dans la vie des ateliers et n'ayant d'intérêt que s'il permet une avancée effective des comportements et des droits quotidiens.
Il est intéressant de repérer par exemple, si la loi de 1892 fait reculer réellement le travail des enfants ou si la première réduction législative aux dix heures quotidiennes transforme effectivement la durée du travail et les comportements industriels.