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Critique de Luxi


Quelle épreuve fut la rédaction de cette critique : j'ai cru que je n'y arriverais jamais. Ce livre m'a épuisée, révoltée et écoeurée. Mais c'est plus fort que moi : dès que sort un roman sur la Seconde Guerre mondiale, il faut que je le lise. C'est une période de l'Histoire qui me hante sans l'avoir vécue. C'est une blessure qui ne guérira jamais parce que je ne la comprendrai jamais. Mais je remercie grandement les éditions Grasset et NetGalley pour m'avoir permis d'affronter ce livre qui fait partie de la rentrée littéraire d'août.
Je dis « affronter » parce qu'il s'agit bien d'un combat. « La disparition de Josef Mengele » n'est pas une lecture paisible et sucrée, comme on s'en doute : c'est une expérience terrible entre nausée et indignation. Réfugié en Argentine avec sa fameuse mallette de mort sous le nouveau nom de Helmut Gregor, Mengele ne pense qu'à sauver sa peau. Il évite les quartiers où « rôdent » des Juifs, cherche du travail – mais pas n'importe lequel s'il vous plaît – et se dit qu'il faudrait qu'il apprenne l'espagnol.
Insupportable cet homme qui gémit sans cesse sur sa condition actuelle, qui repense à son Irene qui l'a quitté mais qu'il ne parvient pas à oublier. Insupportable cet homme souvent happé par la nostalgie de ses « belles » années à Auschwitz, lorsqu'il était cet « Ange de la Mort » qui s'amusait à fouiller, découper, opérer, les chairs innocentes de jumeaux, nains et autres estropiés. Oh, comme cela lui manque parfois. C'était le bon vieux temps… Notons que l'on suit également l'histoire personnelle des gens qu'il rencontre, aussi corrompus et abjects que lui – petit salut à Adolf Eichmann qui débarque en juillet 1950 sous le nom de Ricardo Klement.
C'est vraiment une plongée barbare dans un Buenos Aires sordide, où les anciens salauds, planqués, se reconnaissent, bavardent et se marrent. J'ai cru que je ne parviendrais pas jusqu'à la fin de ce roman parce qu'il est trop vrai, trop réel, trop vivant. Et cependant l'auteur a fait le choix d'une écriture distanciée, impartiale, fidèle. Je l'admire pour cela. Je n'aurais jamais pu écrire ce livre comme il l'a fait ; chaque geste de Gregor/Mengele me hérissait, chaque pensée, chaque réflexion, me dégoûtaient. A mesure que les pages défilent, on comprend que son esprit n'a pas changé et ne changera pas, que ses convictions sont restées les mêmes, que ses haines sont toujours là, hautes et fières. Il est toujours aussi bouffi de mépris pour ceux qui l'entourent et ne lui arrivent pas à la cheville, lui, le médecin génial. Il est toujours aussi fielleux, aussi cruel et diabolique. Mais les années passent et, il fallait s'en douter, les journaux finissent par parler : le monde découvre, épouvanté, les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Il faudra donc quitter Buenos Aires pour le Paraguay, puis le Brésil.
Je m'arrête ici pour ne pas dévoiler tout le livre mais c'est un roman coup de poing. J'avais beau avoir lu de nombreux ouvrages sur ces « médecins » de l'Enfer, j'ai quand même été bouleversée. A chaque paragraphe que je lisais, j'avais cette pensée obsessionnelle qui pulsait dans ma tête : ce type n'a jamais été pris. Ce type n'a jamais été jugé pour ce qu'il a fait. Il est mort en 1979, dans l'eau, sans avoir jamais eu à répondre de ses actes. Et combien sont-ils encore dans son cas malgré les efforts magnifiques des chasseurs de nazis ?
Alors je salue le courage prodigieux d'Olivier Guez pour s'être attaqué à un être pareil. Quelle force il a dû mobiliser pour écrire ces pages, quel sang-froid dans sa plume. L'épilogue est absolument superbe. A la fin de son ouvrage, l'auteur précise qu'il s'est rendu en personne en Allemagne, en Argentine et au Brésil pour parfaire ses recherches. Les ouvrages qui l'ont aidé et une bibliographie très détaillée conclut ce roman si ambitieux et poignant. Je ne connaissais pas Olivier Guez et je vais m'intéresser de très près aux autres livres qu'il a écrits. Je le remercie d'avoir écrit ce roman à une époque où on lit de plus en plus souvent que quand même, ça suffit les camps, les SS, on en a assez bouffé de la Seconde Guerre mondiale. Merci d'avoir encore le cran de s'attaquer au pire massacre de l'humanité.
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