VIII
Extrait 3
Peu à peu les contours se préciseront. Ce sera
Cette promenade un soir dans le quartier de Paris
Nous voici dans le parc Montsouris sur un banc
La ville autour de nous déploie ses voiles
La mort n’aura connu nulle eau royale
Pour altérer l’or de ta face
Nulle destruction n’aura touché ton corps
C’est en vain que la mort demandera son salaire
Et pareilles aux bonnes qui devisent tranquillement
En surveillant les enfants qui jouent sur l’allée
De loin nos âmes regarderont indulgentes nos corps
Enlacés sur un banc dans l’éternel instant.
Campagne
extrait 2
Dois-je fermer les yeux ? Dois-je tourner la tête ?
Ô bêlements peureux ! Ô plaintes des agneaux !
Où sont donc les chansons et où donc sont les fêtes ?
Peut-être une maison sur pilotis dans l’eau
S’est élevée ici sur la joie engloutie
La tendresse l’amour dorment aux profondeurs
Peut-être sous la bouche assoiffée de l’ortie
Résonne encore le mot désaltérant du cœur.
Peut-être ne sont-ils enlaidis de blasphèmes
Ces paysans bourrus derrière leurs chevaux
Peut-être de leurs doigts de bitume qui sèment
Avec les grains s’échappera un jour nouveau.
A la table soudain, de la soupe servie
Montera la vapeur de l’amitié. L’aboi
des bêtes sera doux au-dehors et la vie
Revêtira sa robe en velours d’autrefois.
Chacun retrouvera sa beauté. Plus légère
La peine sous le ciel comme un arbre plié
Sous le poids de ses fruits de clarté vers la terre
L’offense pardonnée et l’effort oublié.
VIII
Extrait 1
Quand nos âmes seront réunies depuis des
milliers d’années
Et que nous pèserons moins que des nuages
sur la cime des montagnes
Quand, même la faible lumière du couchant
fera frissonner les feuilles
Plus que ne le feront nos souffles aériens dans
les branches.
Sans espace et sans temps. Transparents l’un
dans l’autre
Chacun de nous étant l’autre enfin et lui-même
Je t’implorerai soudain : montre-moi un instant
En la forme que j’adorais autrefois sur la terre.
…
Quand nos âmes seront réunies depuis des milliers d’années
Et que nous pèserons moins que des nuages sur la cime des montagnes
Quand, même la faible lumière du couchant fera frissonner les feuilles
Plus que ne le feront nos souffles aériens dans les branches.
Sans espace et sans temps. Transparents l’un dans l’autre
Chacun de nous étant l’autre enfin et lui-même
Je t’implorerai soudain : montre-moi un instant
En la forme que j’adorais autrefois sur la terre.
Oui, reprends pour un instant l’apparence visible
Ton visage qui était le parfum de ton âme
Ton rire dessinant ta bouche en ma mémoire
L’air aimait tant ton corps qu’il en gardait l’empreinte.
Ce que ton âme a pu oublier, mon amour se le rappelle
Et ainsi voletant parmi l’immense brume
Tes cheveux tes épaules sortiront de ton âme
Comme un insecte aux ailes inachevées d’une chrysalide.
Peu à peu les contours se préciseront. Ce sera
Cette promenade un soir dans le quartier de Paris
Nous voici dans le parc Montsouris sur un banc
La ville autour de nous déploie ses voiles
La mort n’aura connu nulle eau royale
Pour altérer l’or de ta face
Nulle destruction n’aura touché ton corps
C’est en vain que la mort demandera son salaire
Et pareilles aux bonnes qui devisent tranquillement
En surveillant les enfants qui jouent sur l’allée
De loin nos âmes regarderont indulgentes nos corps
Enlacés sur un banc dans l’éternel instant.
VIII
Extrait 2
Oui, reprends pour un instant l’apparence visible
Ton visage qui était le parfum de ton âme
Ton rire dessinant ta bouche en ma mémoire
L’air aimait tant ton corps qu’il en gardait
l’empreinte.
Ce que ton âme a pu oublier, mon amour se
le rappelle
Et ainsi voletant parmi l’immense brume
Tes cheveux tes épaule sortiront de ton âme
Comme un insecte aux ailes inachevées d’une
chrysalide.
…
Sous nos fenêtres les jardins…
Sous nos fenêtres les jardins dévastés du couchant
L’été avant de s’en aller a laissé ses parures
Je vois plus loin les bagues des vignobles et l’automne
Comme un graveur sur or se penche sur les feuilles.
Qu’y aurait-il d’étonnant si tu ouvrais la porte ?
Mon âme est telle que tu l’as laissée en partant
Comme la chambre d’une disparue où tout est à sa place
Pour y trouver ta voix inchangée ton visage.
Certes, je ne suis pas seul à regarder ce jour
Qui s’éloigne avec les reflets de septembre
Le soir luit déjà comme un sel sur les routes
Où montent les étoiles et les troupeaux anciens.
Allons nous promener encore au crépuscule
Si l’on te croit très loin, si nul ne sent ton souffle
Les cailloux du sentier reconnaîtront ton pas
Sonnant au fond du mien comme un battant de cloche.
BEAUTÉ DE CE MONDE
à Léon-Paul Fargue
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
l’amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
la lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Nulle défaite ne m’a été épargnée. J’ai connu
le goût amer de la séparation. Et l’oubli de l’ami
et les veilles auprès du mourant. Et le retour
vide, du cimetière. Et le terrible regard de l’épouse
abandonnée. Et l’âme enténébrée de l’étranger,
mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Ah ! On voulait me mettre à l’épreuve, détourner
mes yeux d’ici-bas. On se demandait : « Résistera-t-il ? »
Ce qui m’était cher m’était arraché. Et des voiles
sombres, recouvraient les jardins à mon approche
la femme aimée tournait de loin sa face aveugle
mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Je savais qu’en dessous il y avait des contours tendres,
la charrue dans le champ comme un soleil levant,
félicité, rivière glacée, qui au printemps
s’éveille et les voix chantent dans le marbre
en haut des promontoires flotte le pavillon du vent
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper,
si l’on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.
Un rideau que l’on baisse sur le jour éclatant,
rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
car rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Il faudra jeter bas le masque de la douleur,
et annoncer le temps de l’homme, la bonté,
et les contrées du rire et la quiétude.
Joyeux, nous marcherons vers la dernière épreuve
le front dans la clarté, libation de l’espoir,
rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Campagne
extrait 1
Cet horizon que le groin du cochon remue
La boue a recouvert les vitres et les mains
Le coq avec sa voix discordante qui mue
Dans les tonneaux du vent et le ciel aigri du vin.
Et ces regards fermés, ces visages moroses
Chacun traînant ses pieds pleins de terre et de deuils
Quelle haine va donc de l’homme vers les choses
Midi plante muet sa hache sur le seuil.
Peut-être a-t-on caché la vaisselle du rire
Peut-être dans l’armoire y a-t-il un pain plus clair
Peut-être a-t-on craint en me voyant le pire
Et l’on a déplié la grande ombre dans l’air.
…