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Critique de LaBiblidOnee


Un choc. le souffle de l'explosion qui déchire tout sur son passage et vous projette au sol, K.O., vous empêche de respirer. C'est ce qu'a vécu l'adjudant Cédric Delmas, de l'unité du 13ème RDP, soldat des forces spéciales en mission secrète en Syrie ; C'est également ce qu'a ressenti son épouse, Clémence, lorsqu'une délégation de 5 militaires est venue lui annoncer, en plein milieu de la nuit, la mort de son mari au combat. Clémence, qui avait accepté bien sûr le risque d'un mariage avec un tel époux, habituée aux longues absences secrètes et aux retours incertains, briefée sur les procédures qu'elle devrait suivre en cas de « problème » ; Clémence, qui s'étonne de n'avoir pas ressenti la mort de son mari avant qu'on la lui annonce - n'est-on pas connecté à la personne que l'on aime ? Clémence qui ne peut s'arrêter d' « agir pour ne pas mourir », de stress ou de chagrin, et a besoin que l'armée lui donne des explications sur les circonstances de la mort de son mari, pour faire son deuil ; Clémence, enceinte de trois mois, qui durant plusieurs jours ne parvient même pas à annoncer à ses 3 enfants la mort de leur père ; Clémence, bordelaise qui doit aller identifier la dépouille de son mari à la morgue parisienne où le corps vient d'être rapatrié, attendant ce moment comme des retrouvailles, un moment de grâce où la mort serait suspendue, le temps d'un dernier adieu… Un cri. Celui de Clémence, qui prend un second coup de massue lorsqu'elle apprend finalement que…


Je pourrais vous le dire, mais je devrais vous tuer. Comment faire face à ce qu'elle découvrira à la morgue ? Que s'est-il passé ? Comment pourrait-elle en rester là, sur une incertitude ? Et cette voix, dans sa tête, qui ne cesse de surgir : Que va-t-elle faire, à présent ? Comme le lecteur, Clémence veut connaître les tenants et les aboutissants de la disparition de son mari. Nous projetant dans les sensations aussi cotonneuses que violentes de l'épouse d'un héros de guerre mort au combat, Emilie GUILLAUMIN tente le pari risqué de reconstituer des ressentis intenses, difficilement imaginable, et des faits cruellement réalistes que l'on nous tait souvent - pour le bien des opérations, mais pas des familles. Pari en partie réussi dans le sens où j'étais intriguée, curieuse ; mais en partie seulement dans la première moitié, du fait que les sentiments, qui nous rendent pourtant enclins à l'empathie, ne sont pas parvenus à m'atteindre totalement, à me faire vivre ce qui est évidemment un enfer dans la réalité, me laissant entrevoir un 3/5. La faute à la distance salutaire avec laquelle Clémence raconte, cette apparente absence ou froideur factuelle dans laquelle le choc l'a plongée qui nous engourdit parfois à la mort de quelqu'un de trop proche, pour accuser le coup.


Puis quand Clémence, grâce aux journalistes, aux militaires, puis à sa persévérance, commence à découvrir ce qui a pu se produire sur place, alors la lectrice que je suis a pris à son tour un uppercut de plein fouet. Evidemment que ça a pu se produire. L'horreur à l'état pur, et la stupidité de cette phrase : « Il ne sont pas morts en vain ». Vraiment, en l'occurrence ? L'absurdité déplorable de la situation réveille les sentiments de Clémence et ceux du lecteur. Alors la douleur insoutenable de la perte se réveille en nous, devient réelle, viscérale, prend corps dans notre âme, dans nos tripes. Des choses comme ça se produisent, même si elles nous sont souvent tues. Et pour quoi, pour qui ces sacrifices ? La première réponse sera révoltante, bien sûr. Mais la suite est bien pire. C'est l'inacceptable que nous conte Emilie GUILLAUMIN dans L'Embuscade. Evidemment, j'ai beaucoup de mal à croire que Clémence soit autorisée à faire ce qu'elle demande au départ ; Mais d'un autre côté, qu'est-ce que l'armée n'est pas prête à faire pour conserver certains secrets utiles à notre défense… Alors j'ai accepté cette part de romanesque que l'auteur utilise pour aller plus loin ; et, à part ce que j'ai ressenti comme des ellipses ou transitions maladroites dans la narration, j'ai vu ce récit comme un bel hommage à ceux qui se battent pour nous, et pour qui on ne se bat peut-être pas assez. Une dénonciation et une épopée qui font froid dans le dos et dont les politiques ne sortent pas grandis. A partir de là, le récit bondit de révélations en révélations jusqu'au bouquet final, l'explosion d'émotions qui nous souffle ; La fin. Elle tient en 7 pages, mais ce sont elles qui donnent toute la puissance au livre - surtout ne commencez pas par lire la fin. Elle contient tout, y compris nos larmes. Et la délivrance, mais à quel prix.


« Le parachutiste ne va pas au ciel, il y retourne ».
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