On n’aime jamais autant la vie que dans la possibilité de la mort.
Derrière les mots rebattus de cette guerre avec laquelle la France s’était familiarisée depuis des années jusqu’à la considérer comme faisant partie d’un nouvel ordre mondial, presque un mal nécessaire, il y avait mon mari.
Le couple était originaire de l’est de la France. « La région des champs de betteraves et de patates, celle des corbeaux qui volent sur le dos pour ne pas voir la misère », plaisantait souvent Carine
Trois jours en Syrie m’avaient suffi pour comprendre que jamais Cédric n’aurait quitté l’armée. Il en était mordu. Peut-être parce qu’il était issu d’une famille sans histoire et sans Histoire. Son enfance et son adolescence avaient été ordinaires comme celles de ses parents et, probablement, de ses grands-parents. Avant de s’engager dans l’armée, Cédric avait vécu l’ennui de ces jours trop lents qui avaient composé ces années trop longues, comme un drame insupportable dont il avait absolument fallu se soustraire, sous peine de crever. Il lui fallait racheter la faute de cette famille modeste qui se contentait d’exister sans vivre et dont les membres rejoindraient bientôt la cohorte de ceux qui disparaissent un jour sans laisser de traces.
Trois jours en Syrie m'avaient suffi pour comprendre que jamais Cédric n'aurait quitté l'armée. Il en été mordu.
Peut-être parce qu'il était issu d'une famille sans histoire et sans Histoire. Son enfance et son adolescence avaient été ordinaires comme celles de ses parents et, probablement, de ses grands-parents.
Avant de s'engager dans l'armée, Cédric avait vécu l'ennui de ces jours trop lents qui avaient composé ces années trop longues, comme un drame insupportable dont il lui avait absolument fallu se soustraire, sous peine de crever. Il lui fallait racheter la faute de cette famille modeste qui se contentait d'exister sans vivre et dont les membres rejoindraient bientôt la cohorte de ceux qui disparaissent sans laisser de traces.
Il lui fallait racheter la faute de cette famille modeste qui se contentait d’exister sans vivre et dont les membres rejoindraient bientôt la cohorte de ceux qui disparaissent un jour sans laisser de traces. Cédric voulait devenir un héros. […] Quitte à faire du reste de ma vie un océan de douleurs. (p.218)
Il suivait le protocole avec des mots neutres qui ne faisaient qu'épaissir le mystère. Cette mixture insipide faite de mensonge par omission et de secret-défense me révoltait. Tout ce que j'avais accepté pendant plus de dix ans, l'officieux, l'invisible, me donnait maintenant la nausée.
Les corps de nos maris sont arrivés le lendemain matin de Syrie. Ils avaient voyagé de nuit dans un avion de transport de matériel militaire, un appareil semblable à celui dans lequel ils avaient embarqué avec une trentaine d’autres soldats deux mois auparavant.
Dès le début, j’avais été mise au parfum de la dialectique propre aux parachutistes de l’armée française. Une phrase en particulier m’avait marquée : « Le parachutiste ne va pas au ciel, il y retourne. »
D'une certaine manière, dans les recoins les plus obscurs de leur âme, nos hommes, à vouloir l'adrénaline, l'aventure clandestine, le combat, ne cherchaient-ils pas tous à défier la mort ? Et nous, les épouses éternelles, n'étions-nous pas des monstres de l'accepter ?