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Critique de Christw


Il convient d'abord de restituer cet ouvrage à sa place, au coeur de l'Europe occidentale, et à l'heure de sa rédaction, dans les années nonante, après les funérailles du communisme alors que la joie fut brève d'un monde réconcilié sur les pierres éboulées du mur de Berlin. Les fantômes du nouveau millénaire se dressaient déjà sur le corps du siècle mourant.

La première mise en garde de Jean-Claude Guillebaud concerne les attitudes et bavardages contemporains teintés de «nostalgie recroquevillée». Passons sur les engouements de magazines, ceux pour les sixties ou les boiseries d'époque, qui ne doivent pas plus inquiéter que si nous projetons de suivre la tournée des idoles "Âge tendre". Plus préoccupants sont ces regards inquiets tournés vers les vieux démons, le retour du mal, qui ne doivent pas faire oublier de vraies préoccupations. Entendons bien : qu'il ne s'agit pas de réhabiliter des opinions extrêmes. Mais préparer la guerre précédente, attendre les nazis l'arme au pied a pour inconséquence que l'on risque d'oublier les problématiques «subalternes» comme l'argent fou, l'individualisme, la techno-science, le mensonge médiatique ou le scientisme revigoré.

L'idée critique de cette enquête réside dans l'abandon progressif par l'Occident des principes qui en faisaient un modèle.

Qu'est-ce qui ne fonctionne plus dans la démarche «universalisante» de nos société riches et libres ? Une consolation serait de convoquer, au-dehors, la persistance de l'obscurantisme, la régression intégriste, les complots du terrorisme, le désenchantement du sous-prolétariat du tiers monde ou l'imposture des dictatures tropicales. C'est pourtant moins le dehors qui est en crise que le dedans, constate Guillebaud. Je retiens, dans un bas de page, une citation cinglante de Cornélius Castoriadis ("Le délabrement de l'Occident", Esprit, décembre 1991) : "Quel est donc "l'exemple" que ces sociétés de capitalisme libéral fournissent au reste du monde ? D'abord celui de la richesse et de la puissance technologique et militaire. Mais contrairement aux dogmes marxistes et même "libéraux", cela en tant que tel n'implique rien et n'entraîne rien quant à l'émergence d'un processus émancipatoire. Ces sociétés présentent au monde une image repoussoir, celle de sociétés où règne un vide total de significations. La seule valeur y est l'argent, la notoriété médiatique ou le pouvoir au sens le plus vulgaire et le plus dérisoire du terme. Les communautés y sont détruites, la solidarité est réduite à des dispositions administratives. C'est face à ce vide que les significations religieuses se maintiennent ou même regagnent en puissance."

C'est sans doute moins l'utopie mondialiste, l'universel ou l'émancipation démocratique qui déclenchent la peur et le repli à l'extérieur, mais plutôt leur traduction idéologique méprisante et impériale. "Le déracinement de la modernité – il résume à lui seul toute l'aventure humaine – n'est pas détestable, continue Guillebaud, c'est l'injonction au déracinement venu du dehors". Simone Veil écrivait en 1949 : "c'est un devoir pour chacun de se déraciner mais c'est toujours un crime de déraciner l'autre". le mondialisme refusé est celui qui prétend imposer la corruption de ses élites, l'arrogance de ses banquiers, le cynisme des nantis et la démission de ses intellectuels. Ce n'est pas celui des Lumières.

À présent que vous percevez l'esprit de l'essai, en arrêter ici le compte-rendu sera frustrant, mais les longs billets découragent (nous ne les lisons pas) et manquent leur but (nous n'en retenons rien). Revenons-y petit à petit, en soulignant quelques points marquants dans les prochains jours.
(billet suivant sur Marque-pages)
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