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Critique de coco4649


 
 
Méditation poétique sur la capitale Paris.

Ville lueur brodée d'adjectifs :
tourbillonnante, tentaculaire
vrombissante, bruyante
coagulante.

Ville-jour, ville-nuit
Ville taupinière, surtout le soir
Ville toujours en travaux.

Guillevic perçoit sur la ville comme
un battement.

Ville contenant s'intéressant au contenu.

Ville et sa question fondamentale :
Est-ce lourd une ville ?


Ainsi :

" Il y avait une lueur un peu rouge
Qui pénétrait par la fenêtre dans la chambre
Où l'on pouvait se passer d'elle.

C'était probablement la ville, cette lueur,
Et même le fleuve s'y trouvait,

Qui n'avait pas assez de place où il était
Et qui venait avec le reste
Nous relancer dans notre nuit.
p.9


" Pas autre chose encore, la ville,
Guère autre chose qu'une lueur
Où sont brodés des adjectifs :

Tourbillonnante, gigantesque, tentaculaire, —
Des adjectifs

Qui, comme d'habitude,
Ont l'air d'accueillir
Et qui vous diluent.
p.10


" Elle voudrait partir,
La ville, se quitter,

En montant dans le noir,
En se dilapidant parmi les mille vents,
Les eaux qu'elle salit, les cadavres des hommes.

Elle voudrait partir
En brouillard, en poussière,
En sanglots, en hoquets, en linge abandonné.
p.12


" La ville fait du bruit, des bruits,
Reconnaissables, reconnus, catalogués,

Pour en masquer de moins tranchés,
De moins criards, d'infinis,

Qui viennent en catimini
Et font en nous semblant de jouer au silence.
p.15


" Coagulée, la ville,
Coagulante aussi :
Coagulée, coagulante.

À tel point que le mot
Même d'hémoglobine
Me fait penser à toi.
p.20


" Je me suis assis dans un fauteuil
Au creux d'une chambre, au fond de la ville.

Là elle est tout autre que dans les gares,
Dans les rues, dans les magasins,
Dans l'entrée des commissariats.

Là il y a respect
Et comme la réception d'une eau rajeunie,

Filtrée par les années
Où la lumière a attendu
Quelque tendresse de la ville.
p.22


" Et nous n'entendons guère
Les tourbillons en chaîne
Qui meublent ces atomes
Dont nos corps sont formés.

Nous n'entendons pas plus
Les autres tourbillons
Qui remplissent les lieux
Où nous mettons nos corps.

Tout ce vrombissement
Fait un bruit de pétale
À peine. Et nous pouvons

Écouter nos silences
Escalader leurs bruits.
p.26


" Il faudrait, je cois,
Pouvoir circuler à travers la ville
Comme un globule rouge
À travers le corps,

Qui voit en passant,
Touche les tissus,

Parce qu'il est en train
De devenir ce qu'il regarde.
p.36


" Combien d'hommes, de femmes,
À former couple au même instant,
Dans tes lumières, tes pénombres,

Vont l'un vers l'autre en tâtonnant,
Qui s'inventent, s'oublient, se retrouvent dans l'autre,

Pris, enroulés
Dans un tissu qui les dépassent
Vers l'origine et les futurs,

Prennent en charge ton noyau
Avec ta pulpe, avec ta peau,

Te portent haut,
Te justifient.
p.37


" Elle sait, la ville,
Comment employer
Les grandes masses de temps,
À son avantage, à sa nouaison.

Les digérer, les expectorer
Selon le hasard des milliers de rues,

Les retenir en gris et rose,
En ponçage de pierres.

Ce qu'elle sait moins
C'est ce qu'on peut faire
Du temps en détail,

De la chapelure
D'heures, de journées,
Qui s'en va sans elle.
p.41


" Taupinière, la ville,
Surtout le soir.

Vers le soir aussi :
Tribu de bruyère en exaltation.

Au soleil couchant,
Bruyère au soleil.
p.43


" Toujours en travaux,
Tes rues, tes trottoirs.

Et je te creuse et je te comble,
Et je recreuse au même endroit,
Et je remue et je rebouche.

Comme si l'on venait
Gratouiller ton squelette
Avant qu'il ne s'ennuie.
p.61


" Je ne vois pas sur la ville
Ce tremblement

Qui est sur la mer,
Qui est sur les champs,
Où il devient le cri des mouettes,
L'ombellifère.

Je vois sur la ville
Comme un battement.
p.63


" Qu'est-ce qu'après tout
Je vais chercher ?

Tu es un lieu,
Tu n'es que ça.

Où vivre, où travailler,
Se raconter, aller ensemble.

Un croisement de rues, de machines, des gens,
Un contenant, comme une boîte.

Mais c'est un contenant
Qui s'intéresse au contenu.
p.101


" Capitale, tu es donc
La ville des bureaux.

On passe dans tes rues,
On voit dans tes bureaux,
On se demande ce que c'est,
À quoi ça sert.

Et quand on est dedans,
Qu'on y travaille, on sait
Qu'on est au centre, que la ville
N'est qu'un revêtement

Pour ces hors-lieux où tout arrive
Se faire enregistrer, s'inscrire
Dans la trame des actes,

Dans la rédaction
De l'histoire en cours.
p.104


" Est-ce que c'est lourd,
Une ville ?

Est-ce qu'elles ont toutes
Une égale densité ?

La capitale
Est peut-être plus lourde,

Ce qui donnerait une indication
Sur les causes de la lourdeur.
p.111
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