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Critique de Bruidelo


« Cripure est nécessaire à la pleine compréhension de l'homme de ce temps-ci comme Don Quichotte à celui de jadis», disait Aragon du formidable personnage de Louis Guilloux, un des meilleurs peut-être de la littérature française.
Et c'est sûr qu'il mériterait une notoriété plus éclatante, ce professeur de philosophie aux « longs pieds de gugusse ». Mais il faut bien avouer que ce n'est pas le grand amour entre le (anti-)héros du Sang noir et les chantres de l'idéologie dominante, les arrivistes, les serviles, les petits soldats du monde en sa laideur si prompts à jeter l'anathème sur ceux qui ne rentrent pas tout à fait dans le rang, sur les « irréguliers », les « défaitistes ».
Guilloux dit avec force et rage cette « vérité de la société bourgeoise au paroxysme de l'infection de la guerre », où des planqués rivalisent d'exaltation patriotique délirante tandis que les mutins se font fusiller.
Cripure porte un regard désespéré sur le chaos humain et le roman soulève d'essentielles questions aussi bien sociales qu'existentielles. Son personnage n'en revient pas que de cette angoisse qu'il pense commune à tous puissent naître tant de haine, tant de bêtise, la guerre, mais aussi toutes les mesquineries plus ordinaires
« Avec ce noyau de plomb au fond du coeur, comment pouvaient-ils être aussi durs et secs, jeter leurs fils au charnier, … rogner ses gages à la bonne qui sortait trop, était trop « prétentieuse » , tout cela en pensant au cours de la rente et au prochain film comique qu'on irait voir au Palace, si on avait des billets de faveur ? »
On est tout étonné de se rendre compte que ce pavé ne nous parle finalement que d'une seule journée de 1917, tant il est d'une grande richesse et d'une belle profondeur, mêlant charge anti-militariste, satire sociale et interrogations métaphysiques.
De ce livre paru en 1935 qu'il considérait comme l'un des plus grands romans français du XXème siècle, Jorge Semprun disait: « j'y ai appris des choses essentielles : sur la densité de la vie, sur le Mal et le Bien, sur les misères de l'amour, sur le courage et la lâcheté des hommes, sur l'espoir et le désespoir ».
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