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Critique de DocIdoine


Guilluy est devenu le penseur fétiche de cette portion des bourgeois bohèmes qui aiment s'encanailler... intellectuellement en se faisant passer pour frondeurs (c'est moins fatigant que de sortir de son hôtel particulier dans le 5e pour aller à Saint-Denis ou de sa villa de Sologne pour aller voir les paysans). Son nom est de toutes les joutes bavassières dans les salons de Paris (car à la cambrousse, on n'a jamais entendu parler de lui). Entre les pro-Guilluy (bobos de droite) et les anti-Guilluy (bobos de gauche), les vocables blessants fusent, impitoyables, parmi les bonbonnières Ikea: "méchant!"- "ouh, la vilaine!" etc.

Cependant, Guilluy n'est pas la vie. Guilluy n'est pas la vérité. Guilluy est lui-même, par le milieu social et professionnel auquel il appartient, un bobo. Il prétend venir de Belleville, la belle affaire. C'était il y a longtemps, et l'enfer, à l'époque, ne nous était pas encore tombé dessus. Aujourd'hui, que sait-il des banlieues? Rien. Des statistiques. Que sait-il des campagnes? Rien. Des statistiques. Il est gérant d'une société de marketing.

J'ai grandi dans une banlieue à haute criminalité, et j'ai choisi la ruralité profonde. J'ai été chômeur, j'ai été au RSA. Je serais donc, en théorie, le parfait exemple de ces individus dont Guilluy parle et qui incarneraient la "France périphérique" (le buzzword qui ne veut rien dire, mais tellement bobo!) Or je ne me reconnais en rien dans ce que raconte Guilluy. En rien. Je ne reconnais rien de la réalité des banlieues criminelles ou des campagnes profondes.

Le problème est que Guilluy ne comprend pas - ou veut nier - deux faits capitaux. Premièrement, dans les campagnes, il n'y a plus de vie sociale: les enfants les plus doués se sont expatriés, seuls les inemployables sont restés à végéter chez eux; le travail a été délocalisé à l'étranger ou dans les grandes métropoles; les curés ont disparu, exception faite de quelques calamiteux pédos post-conciliaires ou autres dégénérés qu'on ne peut plus fourrer nulle part ailleurs. Autant dire que le culte, qui était le principal facteur de rythme de la vie sociale, et le principal contrepoids à la télévision, a complètement disparu. Enfin Guilluy pense-t-il que les programmes de l'Education nationale sont différents à la campagne? Non, et leur application est même pire, parce que les instits ont le "complexe du plouc" et font, pour surcompenser, de la surenchère dans le politiquement correct et la pollution des cerveaux infantiles. Un peuple ne résiste que par la tête. Et il n'y en a justement plus. Donc aucun danger de résistance. Au mieux, ils demanderont une réévaluation de leur RSA à la hausse pour pouvoir picoler encore davantage, donc s'abrutir et se neutraliser d'eux-mêmes comme force politique. Et les Gilets jaunes, idéalisés par les extrêmes qui ont envie de rêver, ce n'est que ça, désolé de casser ton jouet.

Donc que reste-t-il, à la campagne, quand il n'y a plus de famille, plus d'emploi, plus de curé, même plus de bistrot? La TELE! Matin et soir, jour et nuit, le dimanche et les jours fériés, la télé marche plein pot, et les ruraux sont devant, hébétés. Résultat? Non seulement ils ne pensent en RIEN différemment des citadins, mais ils sont même cent fois plus conditionnés. Le seul avantage de vivre à la campagne, c'est qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses des communes, et que les maires n'ont plus les moyens financiers de détruire l'environnement en le saccageant.

Mais ce n'est pas tout; j'accuse Guilluy de provoquer par ses thèses stupides une fracture artificielle et suicidaire entre une soi-disant "France du haut" et "France du bas". C'est l'arme du grand capital, l'arme de la haute finance néo-libérale. Il n'y a qu'une seule France, celle de ceux qui se sentent Français, qu'ils soient paysans ou chirurgiens du cerveau, balayeurs ou ingénieurs de l'aérospatiale. C'est l'union des Français, indépendamment des classes sociales, qui pourrait seule menacer réellement le Système. Ce ne sera JAMAIS ce que Guilluy appelle stupidement "la France d'en bas" ou la "France périphérique". D'ailleurs, avec de telles définitions, où met-on les déclassés, qui sont le principal facteur de contestation? Michel Siffre, qui vivote du RSA dans un taudis de Nice: France du haut, du bas? Périphérique? Et pourtant, Michel Siffre, c'est la grande France, c'est le prestige et le rayonnement de la France... Alors, Guilluy?
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