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Critique de Aela


C'est le meilleur essai que j'ai lu depuis le début de l'année et son intérêt porte encore plus avec la perspective prochaine des élections présidentielles.

Un livre court mais combien dense sur un sujet brûlant: les "invisibles", ceux dont on a parlé pendant la crise du Covid, occupant les postes à danger pendant l'épidémie et, au-delà, les populations des classes populaires, de plus en plus marginalisées et précarisées du fait des politiques menées par certaines élites de plus en plus coupées de leur base.
En cela le livre reprend certaines thèses de Jérôme Fourquet dans "L'archipel français" mais va plus loin pour ce qui est de sa démonstration pour ce qui est de l'effondrement culturel des élites (un des symptômes à cet égard, d'après l'auteur, est la faible audience réalisée récemment par la cérémonie de remise des Césars...)

L'auteur nous montre que la culture populaire gagne du terrain. Elle véhicule particulièrement l'attachement au territoire, à la région, la solidarité. Ce phénomène ne concerne pas seulement la France et le Brexit est un phénomène corollaire comme le montre M Guilluy. Boris Johnson n'aurait fait que répondre aux demandes de protection sociale et culturelle des gens ordinaires. Et pourtant lui-même est un produit de l'Establishment britannique. Il a compris que les "anywhere" (selon la terminologie de David Goodheart dans "Les deux clans")
ne pèsent plus face aux "somewhere" (les mondialistes face aux nationaux... ceux qui sont à l'aise partout face à ceux qui sont attachés à un territoire..)

Les classes supérieures sont maintenant condamnées à affronter ceux qu'elles ont sacrifiés sur l'autel de la globalisation. L'idéologie progressiste est devenue hégémonique dans le monde d'en-haut et contestée dans le monde d'en-bas. L'auteur nous montre comment la bourgeoisie progressiste a abandonné les gens ordinaires.
Nous sommes au stade de la fin du mythe de " la globalisation heureuse" et les élites, du fait du Covid, maintenant confrontées à l'altérité sociale, ne peuvent que constater l'ampleur des fractures sociales.

Des pistes données pour que cette situation s'améliore: retrouver une cohérence en prenant en compte la façon d'être des gens ordinaires; ainsi l'espace vécu des gens ordinaires pourrait être une réponse à la crise idéologique.

Pour finir, un très joli parallèle avec ce qu'a vécu le célèbre
écrivain américain Jack London qui a connu une fulgurante ascension sociale au 19ème siècle et qui a préféré retourner vivre avec "ceux d'en-bas":

"Je suis né dans la classe ouvrière. J'ai découvert de bonne heure l'enthousiasme, l'ambition, les idéaux; et les satisfaire est devenu le problème de ma vie d'enfant. Au-dessus de moi s'élevait l'édifice colossal de la société, et à mes yeux le seul moyen d'en sortir, c'était de monter. Je découvris que je n'aimais pas vivre à l'étage du salon de la société. Intellectuellement je m'y ennuyais. Moralement et spirituellement, cela me rendait malade.
Ainsi je suis retourné à la classe ouvrière dans laquelle je suis né et à laquelle j'appartiens. Je n'ai plus envie de monter. L'imposant édifice de la société qui se dresse au-dessus de ma tête ne recèle plus aucun délice à mes yeux. Ce sont les fondations de l'édifice qui m'intéressent."

Je recommande ce livre qui a le mérite de poser de vraies questions et de mieux comprendre l'évolution actuelle de nos sociétés, à l'instar des livres du britannique David Goodheart et du sociologue français Jérôme Fourquet.
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