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Christophe Guilluy (Autre)
EAN : 9782081512290
256 pages
Flammarion (14/10/2020)
4.04/5   26 notes
Résumé :
À la une du New York Times habillés d'un gilet jaune, poursuivis par les journalistes britanniques à l'occasion du Brexit, fêtés comme des héros pendant la crise sanitaire, redevenus des sujets d'études pour les chercheurs, de nouvelles cibles du marketing électoral pour les partis, les gens ordinaires sont de retour. Les « classes populaires », le « peuple », les « petites gens » sont subitement passés de l'ombre à la lumière. Les « déplorables » sont devenus des ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ce géographe est un vraiment enthousiasmant.
J'ai acheté ce livre avec ferveur, tant ses deux derniers m'ont paru pertinents. Loin des plateaux télés destinés à nous rendre débiles, on a affaire ici à une analyse engagée du mouvement historique qui a conduit ici aux gilets jaunes, de l'autre côté de la manche au Brexit, et de M. Trump aux états unis.
Cela commence avec M. Mauroy (pour les plus jeune, un premier ministre de M. Mitterrand) qui remarque qu'« on ne voit plus au Parti socialiste que des jeunes en pleine santé, des femmes belles et dynamiques mais qu'on cherche en vain l'image d'un ouvrier ».
Cet abandon, suivi de Maastricht et de toutes les trahisons ultérieures, signe la naissance d'une nouvelle sociologie, celle des « élites » urbaines et des minorités influentes, qui vont prendre d'assaut les médias et focaliser l'attention des politiques, des intellectuels, des chercheurs. Tous ces prescripteurs d'opinions, qui vivent dans les mêmes lieux, les métropoles, donnent naissance à un nouveau monde, libéré des gens ordinaires, de ceux qu'on désigne comme les ploucs des zones périphériques.
Ces ploucs, on peut aussi les appeler le « panier de déplorables » (Mme Hillary Clinton) les sans-dents (M. qui déjà ?), des rednecks (Les anti-Brexit).
Ces classes populaires semblaient en effet avoir perdu, elles devaient disparaître de la vue des nouveaux maîtres de l'espace, médiatique compris. Captation des richesses, du patrimoine immobilier et des emplois, rien ne semblait pouvoir enrayer une dynamique qui consacrait la victoire économique et culturelle du monde d'en haut, de nos « élites » autoproclamées. C'est la première partie du livre, qui contextualise l'arrivée sur la scène des « populistes », manière insultante de qualifier ce peuple qu'on méprise.
La suite de cet essai est joussive de ce point de vue : pas de tabou chez M. Guilluy, la charge est violente : Il propose des pistes pour déconstruire le « modèle » libéral de nos têtes passées à la lessiveuse des chaînes d'info en continue. Il s'attaque par exemple à la négation de la diversité : Attention, pas la diversité religieuse, raciale ou chromatique qui fait le fonds de commerce des petits néofascistes médiatiques : la vraie diversité, celle mise en évidence lors de la crise du covid mais que la symphonie médiatique autour des vaccins va escamoter pour le plus grand profit de certains : la diversité sociale.
Cette diversité réelle, c'est celle de la cohabitation de manuels, d'intellectuels, d'artistes etc... Cette diversité réelle consacre la nécessité d'avoir des caissières de supermarché, des ouvriers pour fabriquer des biens matériels, des agriculteurs fiers de leurs produits, des infirmières, des aides-soignants, des professeurs, des animateurs sportifs et culturels etc... etc...
En fait, ceux dont on a le moins besoin, ce sont paradoxalement ceux qu'on a tous les jours virtuellement dans les oreilles et en images continues.
Pour Guilluy, la citadelle médiatique est tombée : les « populistes » n'accordent plus aucun crédit aux médias mainstream. Il déconstruit, chiffres à l'appui, toutes les représentations manipulatrices qui nous détournent des vrais enjeux de sociétés : ceux de la redistribution réelle des rôles et des richesses.
Reste donc pour ces ploucs populistes racistes complotistes dont je crois faire partie à mettre en oeuvre la lente transformation économique qui accompagne cette prise de conscience. Les questions sociales et identitaires étant bien évidemment imbriquées, la viabilité de nos sociétés dépendra conjointement de notre prise en compte de l'environnement, de l'évolution de la population mondiale et de ses déplacements. Un beau challenge à relever pour nos jeunes.
C'est le « réglage des horloges » du dernier chapitre de ce livre.
A lire absolument pour mettre des mots sur nos maux, et déconstruire la réalité virtuelle de nos classes dominantes.
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C'est le meilleur essai que j'ai lu depuis le début de l'année et son intérêt porte encore plus avec la perspective prochaine des élections présidentielles.

Un livre court mais combien dense sur un sujet brûlant: les "invisibles", ceux dont on a parlé pendant la crise du Covid, occupant les postes à danger pendant l'épidémie et, au-delà, les populations des classes populaires, de plus en plus marginalisées et précarisées du fait des politiques menées par certaines élites de plus en plus coupées de leur base.
En cela le livre reprend certaines thèses de Jérôme Fourquet dans "L'archipel français" mais va plus loin pour ce qui est de sa démonstration pour ce qui est de l'effondrement culturel des élites (un des symptômes à cet égard, d'après l'auteur, est la faible audience réalisée récemment par la cérémonie de remise des Césars...)

L'auteur nous montre que la culture populaire gagne du terrain. Elle véhicule particulièrement l'attachement au territoire, à la région, la solidarité. Ce phénomène ne concerne pas seulement la France et le Brexit est un phénomène corollaire comme le montre M Guilluy. Boris Johnson n'aurait fait que répondre aux demandes de protection sociale et culturelle des gens ordinaires. Et pourtant lui-même est un produit de l'Establishment britannique. Il a compris que les "anywhere" (selon la terminologie de David Goodheart dans "Les deux clans")
ne pèsent plus face aux "somewhere" (les mondialistes face aux nationaux... ceux qui sont à l'aise partout face à ceux qui sont attachés à un territoire..)

Les classes supérieures sont maintenant condamnées à affronter ceux qu'elles ont sacrifiés sur l'autel de la globalisation. L'idéologie progressiste est devenue hégémonique dans le monde d'en-haut et contestée dans le monde d'en-bas. L'auteur nous montre comment la bourgeoisie progressiste a abandonné les gens ordinaires.
Nous sommes au stade de la fin du mythe de " la globalisation heureuse" et les élites, du fait du Covid, maintenant confrontées à l'altérité sociale, ne peuvent que constater l'ampleur des fractures sociales.

Des pistes données pour que cette situation s'améliore: retrouver une cohérence en prenant en compte la façon d'être des gens ordinaires; ainsi l'espace vécu des gens ordinaires pourrait être une réponse à la crise idéologique.

Pour finir, un très joli parallèle avec ce qu'a vécu le célèbre
écrivain américain Jack London qui a connu une fulgurante ascension sociale au 19ème siècle et qui a préféré retourner vivre avec "ceux d'en-bas":

"Je suis né dans la classe ouvrière. J'ai découvert de bonne heure l'enthousiasme, l'ambition, les idéaux; et les satisfaire est devenu le problème de ma vie d'enfant. Au-dessus de moi s'élevait l'édifice colossal de la société, et à mes yeux le seul moyen d'en sortir, c'était de monter. Je découvris que je n'aimais pas vivre à l'étage du salon de la société. Intellectuellement je m'y ennuyais. Moralement et spirituellement, cela me rendait malade.
Ainsi je suis retourné à la classe ouvrière dans laquelle je suis né et à laquelle j'appartiens. Je n'ai plus envie de monter. L'imposant édifice de la société qui se dresse au-dessus de ma tête ne recèle plus aucun délice à mes yeux. Ce sont les fondations de l'édifice qui m'intéressent."

Je recommande ce livre qui a le mérite de poser de vraies questions et de mieux comprendre l'évolution actuelle de nos sociétés, à l'instar des livres du britannique David Goodheart et du sociologue français Jérôme Fourquet.
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Ce livre est à faire partager.
Il nous donne des éléments pour comprendre dans quelle société on vit actuellement ainsi que les enjeux pour demain.
A la fin de l'essai il évoque le vieillissement de la population ainsi que le taux de fécondité.
Cet angle est trop peu mis en avant dans les médias de masse.
Il montre les fractures entre les populations de divers territoires.
Les chiffres sont aussi à l'échelle mondiale dans les différentes analyses.
L'une des questions que l'on peut se poser comment on réconcilie des bloques qui ont si peu en commun.
Que faire pour les classes politiques trouvent des solution efficace?
Le covid, meet to , les questions racial sont évoquées
Le style est plaisant à lire.
Vivement le prochain livre
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La pandémie et ses répercussions ont permis à Christophe Guilly d'approfondir son analyse sur les fractures sociétales provoquées par la mondialisation et la marginalisation des classes populaires.
Les Gilets Jaunes, le Brexit.. marquent l'opposition des classes populaires à la domination économique, culturelle des gagnants de la mondialisation. Ce basculement n'est pas seulement politique mais aussi culturel. La désobéissance civile est devenue une véritable opposition au modèle idéologique imposé par les dominants. Les gens ordinaires ne reprennent pas la lutte des classes, leur objectif est de ralentir la descente économique et sociale. Ils incorporent désormais les classes moyennes exclues de la spirale néolibérale. Christophe Guilly reprend la notion de « société liquide » avancée par Zygmund Bauman dans les années 1990. La consommation et l'individualisme ont déstructuré la société, l'Etat assure l'ordre, le bien commun n'est plus la priorité. L'auteur déconstruit les discours des médias « officiels » sur l'écologie, les minorités, les diversités dont il dénonce l'effet brouillard recherché. L'idéologie des dominants est désormais rejetée. La pandémie a revalorisé le national, le local, le rural.. Les activités de service, indispensables à la vie du pays, ont poursuivi leurs tâches, insensibles à la « héroïsation » médiatique. L'affirmation des classes ordinaires est inéluctable et le discours dominant n'est plus crédible. L'auteur envisage le futur de la société sous l'angle d'une relation entre attention à l'environnement, évolution de la démographie et déplacements des populations. L'analyse de la rébellion des classes populaires provoque intérêt et réflexion, les perspectives d'avenir sont plus générales. Même si l'auteur souligne que les classes populaires se rebellent en votant pour le Brexit, ou D. Trump, les conséquences de ces choix interrogent. Si la rupture avec la culture des élites est consommée, reste à expliquer l'hétérogénéité des « gens ordinaires ». Un livre qui provoque réflexion.
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Les classes populaires ont été reléguées socialement et surtout culturellement depuis les années 1980 mais elles sont en train de se reconstituer, reviennent sur le devant de la scène, le mouvement de Gilets jaunes en est la preuve. La classe populaire a disparu des lieux de pouvoir, des lieux médiatiques depuis longtemps subissant un déclassement social et culturel. Méprisée par les classes dominantes, elle ne sert plus de référent aux arrivants.
Christophe Guilluy agrège les catégories populaires là où les sociologues, les libéraux divisent, segmentent pour mieux faire disparaître le problème social.
L'open society a abouti a une partition sociale, géographique, culturelle, scolaire jamais égalée. Cependant l'idéologie dominante et libérale qui valorise la vitesse, le mouvement, la mobilité se heurte à une rupture anthropologique inédite : le vieillissement des populations mondiales. L'avenir sera à la lenteur, la proximité, la sédentarisation.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Depuis qu’elle existe, la bourgeoisie a toujours utilisé des codes pour se reconnaître mais aussi pour se distinguer des classes populaires. Les codes du progressisme tenaient à distance des gens ordinaires considérés comme intrinsèquement intolérants, misogynes ou pollueurs. Mais le progressisme de pacotille des élites n’était qu'un vernis idéologique qui visait à masquer une position de classe. L’antiracisme, l’écologisme ou le féminisme ne sont en réalité que des codes culturels. Et l’essentiel est ailleurs : il faut préserver son patrimoine, faire de l'argent, garder le pouvoir.
Mais aujourd’hui, les gens ordinaires se moquent des injonctions à moins consommer ou à moins polluer dictées par ceux qui brûlent du kérosène en avion tous les mois en dépassant le bilan carbone de mille vies ordinaires. Ils décodent aussi parfaitement les intentions de ceux qui ponctuent toutes leurs phrases de diversité mais passent leur temps à éviter l’Autre, ou d’une classe politique qui instaure l’égalité de représentations entre hommes et femmes, pour ne promouvoir que des femmes de la bourgeoisie.
C’est le paradoxe. L’idéologie dite progressiste n’a jamais été aussi hégémonique dans le monde d’en haut et aussi contestée en bas.
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Contrai­re­ment à ce que pense la bour­geoi­sie (celle d’aujourd’hui comme celle d’hier), on peut naître, vivre et mou­rir en milieu popu­laire. On peut y “faire sa vie“, se culti­ver, pro­gres­ser ou stag­ner et y être heu­reux.
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Les gens ordinaires ne s’excuseront plus d’être ce qu’ils sont. Sans représentation politique ni sociale, ils participent à un mouvement de renaissance qui bouscule les notions de puissance et de pouvoir. Cette dynamique existentielle est ainsi en train d’inverser le sens de l’Histoire.
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Les Terriens étaient 1 milliard en 1800, 8 milliards deux siècles plus tard; la population mondiale atteindra peut-être 10 milliards en 2050. Mais cela signifie qu'après avoir été multipliée par huit en deux cents ans, elle devrait peut-être augmenter de 20% en trente ans. En réalité, la croissance démographique mondiale a atteint son maximum il y a cinquante ans! Elle était alors de plus de 2% par an. Aujourd'hui elle a diminué de moitié, à 1,1%. Et elle devrait continuer de baisser.
En effet la fécondité moyenne à l'échelle mondiale n'est plus que de 2,4 enfants par femme et diminue d'année en année.
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On le sait, en milieu populaire, la défiance à l'égard du personnel politique, des médias et des experts a atteint un niveau jamais égalé.
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F. Taddeï interviewe le géographe sur son dernier livre écrit sous le double patronage d'Orwell et London.
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