AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de doyoulikefrogs


Jamais je n'ai lu un livre pareil. D'une telle intensité et d'une telle folie. Car au sortir de cette lecture ce qui ressort en premier comme sentiment c'est la folie du roman. Il est impossible de savoir ce qui tient de la vérité, de la véracité ou du vraisemblable. Car si l'auteur a voulu écrire une histoire qui témoigne de la cruauté des hommes il a bien fallu qu'il utilise des artifices de la littérature pour décrire cet enfant monstrueux qui grandit dans un univers dont il voudra petit à petit s'extirper.

D'ailleurs là où l'on s'aperçoit de ces artifices du romanesque, c'est dans les petits "intertitres" entre les différentes parties qui décrivent des procédés picturaux de la Renaissance. le sfumato, les techniques de clair-obscur, estomper les traits d'un profil ou bien au contraire l'accentuer. C'est avec cette immense fresque de la vie d'un homme qu'à travers lui est raconté le destin des migrants. Qui est fou après tout? le père Ahad, le fils Gâza ? Les migrants qui se jètent éperdument dans la gueule du loup, payent de leur vie la traversée vers un deuxième enfer occidental ? Les occidentaux coupables d'un esclavagisme moderne ?

J'ai adoré l'écriture de ce roman. le style est puissant, il ne laisse pas d'échappatoire ! Les pages se tournent dans un rythme effréné et l'on se prend à faire quelques pauses soudaines pour considérer le monde autour de soi, respirer, se sentir vivant ... Oui parce que ce roman est plein de mort, d'excréments, de vomis, de dégoût, de haine et de violence. Je vous préviens tout de suite. Moi qui suis extrêmement sensible je n'aime d'habitude pas ce genre d'histoire, mais voyez-vous, l'auteur a l'art de créer un personnage (Gâza) qui est attachant. Il est peut-être l'homme à abattre, celui par qui tout le mal vient... mais il est des personnages qui naissent dans un monde où la vie ne peut être autrement, vous avez beau y réfléchir dix millions de fois, aurait-il pu fuir son père, sa destinée de passeur ? Peut-être que vous oui avec votre petite vie d'occidental, mais lui, peut-être pas.

Le choix d'une vie se joue parfois en un lancé de dés, en un regard, une phrase qui fait mal, qui rappelle que vous n'avez pas le choix justement. Et Gâza échappera à de grandes études pour rester avec son père et les migrants toujours plus nombreux dans leur dépôt.

Hanté par son passé, Gâza luttera toute sa vie contre ce destin "contre nature", contre cette part sombre de lui-même. Il a voulu aimer son père, il a voulu aimer les autres, les hommes, les femmes surtout, et puis à chaque fois quelque chose n'allait pas.

Le livre est extrêmement dérangeant. Je ne sais pas comment j'ai fait pour le lire. Mais âme sensible s'abstenir. Je sais juste que je voulais savoir comment allait finir le "héros". Personnage principal d'une tragédie déjà écrite. Hanté par la mort d'un homme dont il s'est moqué, Cuma et dont il conserve précieusement une petite grenouille en papier. de ce simple geste, il prouve qu'il n'est pas forcément un monstre. Il restera toujours une part d'humain en lui. C'est ainsi que son destin se verra bouleversé. Et la deuxième partie après le terrible accident est très "belle", dans le sens bien écrite. Certes l'auteur fait beaucoup de théories "anthropologiques" sur le lynchage, la folie, etc. Pour essayer de justifier l'attitude cruelle et la désillusion d'un homme seul. Une chute sans fin qui tend pourtant vers le progrès. Car le protagoniste cherche à se racheter. Gâza n'arrivera plus à toucher d'autres personnes mais il se sacrifiera pour d'autres. Des moments qui m'ont émue aux larmes.

Enfin, c'est un roman hanté par le malheur et la violence, mais avec cet envoûtant sentiment d'un regard insolent, acerbe, juste sur la part d'humanité qu'il reste peut-être quelque part, mais qui finit toujours par mourir. Hakan Günday ne mâche pas ses mots, il est un grand auteur. Il le prouve ici.
Lien : http://www.unefrancaisedansl..
Commenter  J’apprécie          200



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}