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Critique de Sokleine


Sur son magnétophone d'un autre temps, le narrateur, un ancien reporter vieillissant, enregistre ses souvenirs et relate les principaux épisodes de sa vie tout en égratignant le gouvernement actuel de son pays : la Turquie.

Orphelin de mère, fils d'un militaire tyrannique mais fêtard, son enfance solitaire se déroule dans des villes de garnison au gré des affectations de son père. C'est sa grand-mère paternelle qui se charge de son éducation sans aucune marque de tendresse ni d'affection. Vient ensuite l'adolescence. Elève « non payant » le garçon sera pendant huit ans pensionnaire au lycée de Galatasaray à Istanbul. Nedim Gürsel, qui a lui-même étudié dans cet établissement réputé, insiste particulièrement sur cette période de transition faite de réclusion, d'autorité mais aussi de camaraderie, blagues potaches, découverte de la sexualité et premières amours.

Le narrateur se raconte en tentant de suivre une certaine chronologie, mais pêle-mêle, au hasard de ses pensées et de ses états d'âme, il s'en écarte et se laisse aller à des digressions historiques et politiques. Il évoque le coup d'état militaire de mai 1960 qui renversa le gouvernement démocratique en place et condamna à mort le premier ministre Adnan Menderes ainsi que deux de ses ministres, il rappelle aussi celui de 1980 qui le contraint à l'exil. Mais surtout, et c'est plus fort que lui, il ne peut s'empêcher de critiquer ouvertement le chef actuel du gouvernement : cet homme à la « moustache en amande », celui qui est omniprésent à la télévision, qui s'occupe de tout, même de la vie intime de ses concitoyens et souhaite gouverner tel un pacha d'antan.

Voici un roman à la fois instructif et courageux, bien écrit dans un style sobre et riche, incisif avec de temps en temps une pointe d'humour. Mais je lui reproche quelques longueurs fastidieuses et répétitions inutiles générant un certain ennui. Je trouve aussi que l'auteur insiste un peu lourdement sur les désirs sexuels des jeunes pensionnaires, même si c'est de leur âge...

A cette peinture réaliste de la Turquie d'hier et d'aujourd'hui se mêle l'amour inconditionnel de Nedim Gürsel pour sa ville de coeur: Istanbul. Une ville qu'il a vu se transformer au fil des décennies, se moderniser et subir les méfaits de la mondialisation. le lecteur ressent tout son attachement et sa nostalgie.

Epris de liberté, luttant contre l'autoritarisme à tout niveau et défendant inlassablement le droit d'expression, l'auteur signe ici un livre pertinent avec un dénouement des plus audacieux.

#Challenge solidaire 2023
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