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Critique de LesCahiersdeCorinne


Christopher Boone est un jeune garçon de quinze ans, qui aime les maths et est très brillant en la matière. Il aime les choses bien claires, carrées, son rat Toby et que les gens disent la vérité. Il n'aime pas parler à ceux qu'il ne connaît pas, ne comprend pas les blagues, déteste les aliments bruns et qu'on le touche. Et quand Wellington, le chien de sa voisine Mme Shears est tué, il décide de mener l'enquête pour trouver le meurtrier. Sans se rendre compte que cela va avoir de grandes conséquences sur l'équilibre bien établi de son univers...

Emprunté sur les conseils d'une bibliothécaire qui me l'avait chaudement recommandé, le bizarre incident du chien pendant la nuit est un très gros coup de coeur que j'ai eu pendant la fin de l'année 2015 !

Christopher Boone est un ado autiste et surdoué, qui vit seul avec son père depuis que sa mère est morte, en Angleterre. Il mène une vie bien réglée, bien orchestrée pour le mieux dans le meilleur de son monde. Sa voix guide le récit et nous embarque dans son quotidien et son cheminement intellectuel. Tout commence au moment où il découvre le cadavre de Wellington, une fourche planté dans le corps et en légèrement attristé mais plus encore étonné : Christopher aime les chiens et appréciait particulièrement celui-ci. Mais surtout, sa mort n'est pas logique et ça, c'est perturbant pour notre narrateur qui a besoin de rationalité, d'une essence cartésienne absolue dans toutes les sphères de son mental et du monde qui l'entoure. Et quand ça ne tourne pas rond, il a besoin de comprendre la mécanique et de la réparer, de trouver le rouage manquant pour que tout se remette en marche. C'est d'ailleurs pour ça qu'il n'aime pas les romans, fabrique à mensonges et voit comme une menace toute tentative de modification du réel. L'imaginaire est une notion inconcevable pour lui. Il se décide donc à mener l'enquête et va tenir un journal découpé en chapitres numérotés avec des nombres premiers, qu'il affectionne, et même tenter d'en écrire un livre, un récit policier, mais qui ne racontera que des choses vraies qui se sont passées. le chien de Baskerville et Sherlock Holmes l'inspirent beaucoup, il aime l'esprit de déduction de ce détective hors-pair. Cependant, très vite, les obstacles entravent son action : sa voisine qui jusqu'il y a peu était leur amie de famille menace de le dénoncer à la police s'il remet les pieds près de chez elle et son père va lui interdire de continuer ses investigations. Christopher a bien du mal à comprendre la plupart des adultes et décèle souvent ce qu'il y a de faux en eux. L'obstination de son père va attiser son envie de résoudre ce mystère sans lequel il ne peut rester tranquille. Seule ses maths arrive à l'apaiser momentanément. Et en creusant pour résoudre l'énigme, il va percer un secret familial qui va bouleverser son existence d'abord et celle de ses proches aussi. Un rebondissement dans un récit déjà captivant qui lui donne encore plus de densité.

De bout en bout, on se prend au jeu. Mark Haddon réussit à nous faire pénétrer dans le fil des pensées de son personnage avec brio : on est complètement happé par l'histoire dès les premières pages et captivé de bout en bout par cette touchante narration. Bénéficiant d'une certaine oralité marquée par le sens de la démonstration, le style du récit nous immerge complètement dans l'univers décalé de Christopher, qui a une grille de lecture du monde bien à lui, peut-être différente de bien des mortels, mais pas moins intéressante. La langue est fluide, simple, à l'image de Christopher, qui ne s'embarrasse ni de vers ni de figures de style mais préfère adjoindre schémas, dessins, équations et croquis pour dresser les contours de sa poésie. Une tête bien ancrée sur la terre ferme qui ne supporte pas la moindre secousse sismique émotionnelle : c'est là que réside aussi la force de Mark Haddon qui nous projette avec puissance dans une réalité qui nous échappe d'ordinaire. Christopher les reconnaît, ces évidences que les gens dits "normaux" ont appris à oublier, à ignorer et il observe avec un regard d'autant plus affûté et dénué de jugement les êtres et le cours de la vie. Ne dérogeant jamais à un pragmatisme déroutant pour ceux qui l'entourent, il parvient à démêler des noeuds existentiels abandonnés par les autres et donne une belle leçon à ceux censés être plus raisonnable que lui.

En faisant le choix de ne pas exploiter l'autisme de Christopher comme nid de l'intrigue mais en l'installant comme une matrice de sa personnalité et de sa vision du monde, Mark Haddon signe un roman riche, original, émouvant et intelligent, dont on se souvient durablement. Et qu'on s'empresse de conseiller à son tour.
Lien : http://wp.me/p12Kl4-Fk
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