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Critique de Woland


Svinehunde / Morte La Bête


Ce roman, je m'étais plongée dedans pour la première fois il y a un ou deux ans et déjà, il m'avait causé un malaise certain. Estimant que cela venait peut-être de mon état de santé de l'époque, je l'avais replacé sous le coude, me promettant de le lire, cette fois-ci à haute voix, dès que je le pourrai. C'est ce que j'ai fait cette semaine et j'ai le regret de dire que, bien loin de décroître, le malaise ressenti à cette lecture n'a fait que s'amplifier.

Pour des raisons personnelles, je suis particulièrement sensible aux histoires qui tournent autour de la pédophilie et des enfances massacrées. le sujet, nul ne le niera, est très grave car, outre les dommages corporels infligés aux victimes, le pédophile, incestueux ou pas, leur dérobe à jamais un morceau d'âme qu'elles ne retrouveront plus, hélas ! dans cette dimension. Ce vol d'une partie, peut-être infime mais pourtant primordiale, d'une âme engendre divers troubles, allant des plus impardonnables (l'enfant abusé devient lui-même un bourreau) à de moins terribles en apparence mais hélas ! pas pour celui qui les vit (auto-mutilations, tentatives de suicide, anorexie, boulimie, troubles nutritionnels de façon générale, impossibilité de vivre une vie sexuelle épanouie, douleur morale perpétuelle, complexe navrant d'infériorité, etc, etc ...)

Le livre de Lotte et Soren Hammer débute par la découverte, dans le gymnase d'une école, de cinq pendus, entièrement nus, auxquels on a coupé post mortem les mains (pour ralentir l'identification sans doute) mais surtout les parties génitales. Une vraie boucherie, nul n'en doute, sur laquelle s'en vient enquêter un Konrad Simonsen obèse, diabétique et à la tension catastrophique, qui interrompt pour ce faire ses vacances dans la luxueuse maison que lui a prêté son adjointe, la "Comtesse", et où il entendait se reposer aux côtés de sa fille, Anna Mia.

Je vous passe les aléas de l'intrigue pour en arriver à la conclusion : les cinq hommes étaient tous des pédophiles et partaient régulièrement en Thaïlande, à bord d'un minibus spécialement loué pour les circonstances, afin de pouvoir faire en paix ce que vous savez et qu'ils appelaient pour leur part "se détendre." On ne peut certes pas prétendre que l'équipe de Simonsen est ravie d'apprendre le passe-temps favori des défunts mais, peu à peu, s'installe chez le lecteur la désagréable impression que, sous le prétexte (évident et que je ne cherche pas personnellement à contester) que nul ne doit se faire justice lui-même, les pédophiles prennent, chez les membres de la brigade criminelle, le statut de seules et uniques victimes et pratiquement de "Gentils" tandis que les seuls et véritables assassins, autrement dit les affreux "Méchants" sont ceux qui les ont tués.

Pas une seule fois, et j'insiste, je n'ai décelé la moindre étincelle d'empathie de Simonsen et des siens envers les victimes des pédophiles. C'est d'ailleurs, je l'avoue, le seul roman, policier ou non, où je constate cette absence pour le moins déstabilisante et je ne souhaite pas en retrouver un autre, croyez-moi. En outre, fait incroyable à mon sens, la population danoise dans son ensemble fait le contraire de ce que souhaite la Police, c'est-à-dire que, à 64% je crois, elle prend pour sa part le parti des victimes des pédophiles, devenues des assassins. Cette prise de position met positivement Simonsen en rage. Evidemment, on comprend que son sens de l'Ordre sociétal soit mis à rude épreuve, d'autant que, inévitablement, certains en profitent pour s'en prendre aux pédophiles qui, ayant fait leur temps dans une prison, se sont réintégrés dans la société, les poussant entre autres au suicide ou tentant carrément de leur régler leur compte.

Mais il n'en reste pas moins vrai que ces cinq hommes n'eussent pas été assassinés s'ils n'avaient pas, jadis, abusé d'enfants qui, devenus adultes, les ont retrouvés et ont décidé de faire d'eux cinq exemples qui permettraient d'attirer l'attention de la presse et du gouvernement sur la légèreté des peines infligées à l'époque aux pédophiles dans le pays. Bref, d'amener également la population à un certain niveau de prise de conscience.

Que, pas une seconde, la brigade de Simonsen n'envisage les "assassins" qu'ils recherchent comme les victimes qu'ils furent d'abord, victimes livrées pieds et poings liés à leurs bourreaux, des pervers sexuels sans aucune morale et sans aucun remords, choque et interpelle. Quant à la scène finale entre le bourreau des cinq pédophiles, présenté ni plus ni moins que comme un pauvre type sans envergure, qui va jusqu'à se faire sur lui quand le commissaire, par un raffinement sadique qu'on ne s'explique pas, le ramène sur les lieux où les pervers abusaient de lui dans son enfance, elle est non seulement pénible, injuste et incompréhensible mais aussi terriblement glauque. Je serai franche : "Morte la Bête", de Lotte et Soren Hammer, prétend-il lutter contre la pédophilie ou, au contraire, inciter à l'indulgence envers ses adeptes ? En lisant ce roman jusqu'au bout, en n'en passant pas un seul mot, pas une seule virgule, je me suis fait mon idée personnelle et plus jamais je ne lirai d'ouvrage signé par ces deux auteurs. Si vous vous sentez le courage de vous immerger dans une boue aussi immonde, à vous de voir si vous partagez mon avis et plus encore l'énorme malaise qui vous accable quand vous ressortez de ce livre, un ouvrage qui, malgré son titre, semble bien souhaiter que la Bête ne meure jamais ! ;o)
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