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Critique de Dandine


Encore un livre culte de Hammett. Pour moi, beaucoup plus abouti que La moisson rouge.

L'intrigue est simple a resumer: trois aventuriers cherchent chacun d'eux a se procurer une statuette de grande valeur, “le faucon de Malte”, et engagent, chacun a part, le detective prive Sam Spade, pour la leur procurer, ou la leur assurer, au depens des autres. Sur cette base, Hammett construit un petit chef-d'oeuvre.


Commencons par les personnages. le detective est le frere jumeau de celui de la moisson rouge, grand buveur, grand fumeur, un peu debraille, grand seducteur legerement misogyne, en fait plutot misanthrope tout court, un solitaire romantique et pessimiste, cynique, violent quand il faut l'etre et d'un phlegme olympien quand il ne le faut pas, impertinent avec la police ou toute autre autorite, donnant l'impression que rien de ce qui se fait ou se dit ne l'interesse, alors qu'il ne perd pas un seul detail en toute situation. Bref, Humphrey Bogart. Mais cette fois il est a son propre compte, il a un nom, Sam Spade, il a une figure et des tics faciaux qu'Hammett se complait a decrire, et surtout, cette fois, il apparait comme quelqu'un qui sait se plonger aussi dans des recherches d'archives, qui a de la culture et qui sait, quand il veut, raconter de belles et longues histoires. Bref, un Humphrey Bogart plus complexe que le detective de la moisson.


Et le trio qui veut l'embaucher? Une femme fatale archetypique, un oriental effemine, un ponte de la pegre sur le retour d'age. Mais aucun d'eux n'est ce qu'il semble etre au premier abord, tous jouent a cache cache entre eux et forcement avec Spade. Ils sont largement decrits physiquement mais leurs paroles, dans tous les dialogues, creent toujours une sensation de flou, de mystere. Avec un trio pareil rien de ce qui arrive n'est ce qu'il parait, sauf evidemment les cadavres.


Et tout, sauf les dialogues, est raconte a la troisieme personne, par un narrateur externe, ce qui accentue la sensation de mystere, puisqu'on ne sait pas vraiment ce que chacun des personnages pense, et que tous, y compris Spade, sont soupconnables (et soupconnes) d'un des deux meurtres perpetres au debut du roman.


Et j'ai beaucoup aime deux passages, purement litteraires. le premier, quand Hammett relate l'histoire de la statuette, du faucon de Malte. Une histoire qui se base – et brode, evidemment, c'est de la litterature – sur des faits reels. J'ai fait ma petite enquete, tellement ca m'a plu: en 1530 Charles Quint (pour les espagnols Carlos Primero de Espana y Quinto de Alemania) ceda Malte a l'ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jerusalem, qui, en remerciement, lui envoyerent chaque annee un faucon pour sa fauconnerie de Carabanchel. La, chaque annee, le “faucon maltais" fut eleve pour les parties de chasse du monarque. Hammett a donc fait pas mal de recherche historique pour ce livre. le deuxieme passage est une digression venue de nulle part et qui n'ajoute rien a l'intrigue, une parenthese completement gratuite mais tres interessante, une anecdote que Spade raconte a la femme fatale: un certain Flitcraft disparait un beau jour sans laisser de traces. Des annees apres sa famille engage Spade pour elucider le mystere de sa disparition. Spade le retrouve dans une autre ville, sous un autre nom, avec une nouvelle famille. Aux questions de Spade il explique qu'ayant eu un leger accident il avait saisi tout d'un coup combien la vie est ephemere, “sa vie pouvait être brusquement interrompue par la chute d'une poutre ; il en changerait brusquement le cours en disparaissant”. le cote humoristique de l'histoire est qu'ailleurs et plus tard, il avait fonde une nouvelle famille, en tous points semblable a celle qu'il avait quitte. C'est donc l'histoire d'une remise en question existencielle qui change tout et ne change rien. Une parabole ou Hammett interroge le sens de la vie et la possibilite de changer. de la grande litterature. du grand art.


J'ai aussi beaucoup aime qu'Hammet s'appesantisse plus que dans La moisson rouge sur des descriptions de lieux, d'appartements, de chambres, et pas seulement de personnes. Et j'ai enfin trouve les vas et vient de l'intrigue beaucoup moins incongrus, appreciant ainsi chaque detour.

Pour conclure, un livre qui m'a reconcilie avec Hammett. Un tres bon roman noir, que je peux classer quant a moi dans la litterature dite blanche. Mais qui c'est qui a instaure ces frontieres non naturelles?
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