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Critique de Polomarco


Basée à Brest, l'Abeille Flandre est un bateau très puissant et hors normes. Il est en effet chargé du remorquage et du sauvetage des navires en panne, en difficulté, voire en perdition, dans l'une des mers les plus dangereuses du monde : autour de l'île d'Ouessant, au large du Finistère. La SNCM se charge, elle, du sauvetage proche de la côte. Il y a deux possibilités de passer de l'océan Atlantique à la Manche et inversement : soit par le "rail" qui contourne l'île à l'ouest, soit par le courant du Fromveur (en breton, le "grand torrent"), désormais interdit à tout trafic commercial, et qui longe Ouessant au sud-est. Là où l'affrontement du courant venant du sud-ouest (le "suroît") et du vent qui souffle parfois en sens contraire rend la mer très difficile. S'y ajoute, entre Ouessant et la pointe Saint-Matthieu, le danger omniprésent constitué par le chapelet d'îles et de rochers, comme autant de montagnes sous-marines, dont seul le sommet émerge.
Hervé Hamon nous livre ici le récit des mois de septembre 1997 à l'été 1998 qu'il a passés à bord de l'Abeille Flandre, aux côtés des douze membres de l'équipage, véritables héros des temps modernes, prêts à intervenir vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans des conditions dantesques, c'est-à-dire dignes de l'Enfer, quand le vent souffle force 12 sur l'échelle de Beaufort.
A ce titre, le nom de certains chapitres est révélateur. Dans le chapitre "Furie de temps", on lit que "le ciel est invisible, le gris de la mer et le voile d'une pluie froide l'ont totalement englouti" (page 209) ; le mot "déferlantes" revient fréquemment et leur violence peut tordre les rambardes métalliques du bateau. Dans le chapitre "Morceau de bravoure", l'auteur s'interroge : "Pourquoi des hommes acceptent-ils de mettre leur vie en jeu afin que d'autres hommes échappent à la mort ?" (page 230). Il dresse ainsi un portrait très élogieux du commandant, payé "pour tirer de la peur latente un profit dynamique" (page 233).
Dans ces conditions extrêmes, qui mettent à rude épreuve le courage des sauveteurs, on apprend aussi que le délai d'intervention est crucial, compte tenu de la violence des vents et des courants : au large d'Ouessant, vingt minutes perdues peuvent être fatales ; entre Ouessant et le continent, ce temps est réduit à trois minutes.
La lecture de cet ouvrage procure deux sentiments. A l'exaltation d'un sauvetage réussi, se mêle la colère de voir des armateurs peu scrupuleux ignorer délibérément les règles : mettre en danger la vie de leurs équipages, celle des sauveteurs, et polluer un milieu naturel fragile. Trouvé dans une boîte à livres, une semaine après le livre Ouessant d'Yvonne Pagniez, L'Abeille d'Ouessant y apporte un complément passionnant et dépaysant, tant il vous emmène à la fin de la terre. Car autant en emporte le vent.
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