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Critique de enjie77


Eva Abrams est assise à son bureau, A quatre vingt six ans, elle est toujours en activité à la bibliothèque Winter Park en Floride. Son métier de bibliothécaire la passionne toujours autant. Elle s'aperçoit qu'un exemplaire du New York Times a été posé, machinalement, par un visiteur près de son bureau. Son regard est attiré par la Une du quotidien. Elle découvre, médusée, l'article et la photo d'un homme aux cheveux blancs. Il tient dans ses mains Epitres et Evangiles, un volume relié de cuir marron au coin droit abîmé, un livre mais pas n'importe quel livre, le Livre qui recèle pour Anna un trésor affectif inestimable et une partie de sa vie, marquée à la fois par le tragique mais aussi par l'héroïsme. Bouleversée, elle se concentre sur l'article :

« Soixante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, un bibliothécaire allemand se bat pour rendre à leurs propriétaires des livres volés ».

« Ce texte religieux, explique le bibliothécaire, Otto Kühn, au journaliste, est mon préféré parmi les mystères qui peuplent ces étagères. Publié en 1732, c'est un livre très rare mais ce n'est pas ce qui le rend extraordinaire. Il est unique car il contient une énigme intrigante, un genre de code. A qui appartient-il ? Que signifie ce code ? Comment les Allemands se le sont-ils procuré ? Ces questions me hantent. »

Anna est veuve d'un Juif américain dont elle a eu un fils, Ben. Elle n'a jamais parlé de son passé, Une grande pudeur mêlée à un sentiment de culpabilité l'a toujours empêchée de dévoiler cette période de sa vie où elle a fait preuve de beaucoup d'audace et d'abnégation. Elle ressent un besoin vital de retrouver ce livre. Eva décide de partir en Allemagne afin de récupérer ce manuscrit. La vision de ce volume, sa charge émotionnelle et les souvenirs qui lui sont attachés, font remonter cette période de sa vie qu'elle avait refoulée au plus profond d'elle-même.

Nous sommes à la veille de la Rafle du Vel d'Hiv des 16 et 17 juillet 1942. Anna est Juive française. Ses parents sont arrivés en France dans les années vingt. Ils sont Juifs polonais. Malgré l'avertissement de Joseph, l'un de ses amis étudiants, très au fait des évènements de cette année 42 concernant les Juifs, la met en garde contre les arrestations à venir. Anna se refuse de croire à l'ampleur d'une telle opération policière qui concernerait tous les Juifs étrangers, apatrides ou réfugiés. Elle minimise les informations qu'elle transmet sans conviction à ses parents.

Les évènements sont imprévisibles. A ce moment là, une voisine, appelée au chevet de sa mère, demande à Eva et à sa maman de prendre soin de ses deux petites filles en bas âge pendant son absence. Eva et sa maman se rendent ainsi chez cette personne, laissant le père seul dans leur appartement. Au petit matin, le père est raflé. Prenant conscience du péril, Eva qui dessine parfaitement, se met en devoir d'établir de faux papiers pour toutes les deux afin de passer en zone libre. Elles vont réussir à quitter la zone occupée et parvenir dans un petit village fictif nommé Aurignon, pas très loin de la frontière suisse.

Je n'en dirai pas plus sur la suite de ce récit. Il est préférable de se laisser emporter dans la tourmente de l'histoire.


Cette fiction historique s'adresse à un large public y compris des adolescents par son côté romantique – une histoire d'amour doublée d'un zest de suspens - qui vient adoucir l'intérêt principal du livre ; la vie des faussaires au sein des réseaux de Résistance sous l'Occupation. L'écriture est simple, facile à lire, dommage d'y trouver des fautes d'impression, on regrette le temps où l'oeil du correcteur remplissait son office. Si l'écriture est fluide, agréable, nous sommes loin de la plume de Sorj Chalandon lorsqu'il évoque dans « Enfant de salaud » son reportage sur « Les Enfants d'Izieu » mais le récit retient l'attention par son côté didactique basé sur des faits réels. Je me suis laissée happer par les aventures d'Eva qui oeuvre contre l'effacement de tout un peuple. Ce livre a le mérite de porter à notre connaissance, les méthodes employées par les faussaires, leur créativité alors qu'ils étaient sans ressource, démuni de tout matériel et crevant la faim.

Eva symbolise toutes ces personnes qui, au péril de leur vie, bravant tous les interdits, se sont mises au service de ceux qui étaient destinés à mourir dans les chambres à gaz, ou dans les camps, qu'ils soient Juifs ou Résistants, en leur procurant une nouvelle identité tout en élaborant un système préservant leur ancienne identité au nez et à la barbe des nazis.

Kristin Harmel a effectué un travail considérable de recherches afin d'écrire ce récit qui met à l'honneur toute une foule de personnes dont les noms nous sont inconnus encore aujourd'hui, des soldats de l'ombre, luttant en leur âme et conscience.

J'ignorais totalement que le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme leur avait consacré, auxdits faussaires, une exposition il y a quelque temps. Ce devait être passionnant, chaque individu apportant ses connaissances, son habileté afin de contourner les difficultés techniques : le papier, les tampons, les photos, les identités, tout était parfaitement pensé.

Je termine avec un clin d'oeil à Francine et à Pierre qui m'ont parlé de ce livre – ils se reconnaitront !

Note de l'auteure : Ce contexte est l'occasion de raconter une histoire inspirée en partie de : la vie d'Adolfo Kaminsky et Oscar Rosowsky, deux jeunes Juifs devenus faussaires par nécessité – un peu comme la jeune Eva dans « le Livre des noms oubliés » - héros ayant permis de sauver la vie de milliers de gens innocents. Kaminsky a échappé de justesse à la déportation avant de devenir un des faussaires principaux de la Résistance à Paris. Bien qu'adolescent à l'époque, on estime que quatorze mille personnes ont échappé à un sort terrible grâce à lui. Oscar Rosowsky dont Peter Grose raconte l'histoire dans « A Good Place to Hilde », avait dix huit ans en 1942 lorsqu'il a dû s'enfuir. Par chance, il s'est retrouvé au Chambon-sur-Lignon, ce petit village de Haute-Loire où se sont cachées des milliers de personnes recherchées par les nazis dont nombre d'enfants seuls. Comme Eva, Rosowsky a commencé par produire des papiers d'identité pour sa mère et lui, avant de développer de nouvelles méthodes plus rapides et efficaces et d'en faire profiter les autres. A la fin de la guerre, il avait aidé à sauver trois mille cinq cents Juifs.
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