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Critique de Zebra


« Le soleil se lève aussi » (The Sun Also Rises) est un roman d'Ernest Hemingway. Écrit en 1926 et traduit en français en 1933, cet ouvrage -paru fin 1962 dans la collection le Livre de Poche- a manifestement surpris quelques lecteurs et suscité des réactions pour le moins contrastées.

L'histoire ? Jacob Barnes, dit Jake, nous raconte les aventures, essentiellement nocturnes et parisiennes, d'un groupe de jeunes expatriés (des Anglais et des Américains). Ce groupe est composé de Jake, discret et émouvant journaliste impuissant (comme Hemingway), de Michaël, Écossais alcoolique au tempérament explosif, de Bill, personnage assez fantasque, de Lady Brett Ashley, femme toute en formes, aguicheuse et couchant avec le premier jeune homme venu (un rien nymphomane, quoi!), de Robert (Cohn de son nom), Juif timide (il est le jouet des femmes, notamment de Brett), complexé par son apparente infériorité, et de Pedro Romero, jeune toréro dont les mouvements et le jeu magique excitent Jake. Les aventures consistent essentiellement en beuveries et saoûleries en tous genres, et en tous endroits : la première partie du livre concerne Paris, quand la deuxième concerne Pampelune. Faussement blasés, ces jeunes gens semblent aller de-ci de-là, sans but, évoluant dans un monde pourtant bien réel dont le vide (mais quel vide ?) leur semble difficile à combler. Hemingway nous dépeint une ambiance de fête permanente, comme si c'était pour chasser une éternelle déprime ; l'hommage au Paris des années 1920 a un petit côté « on s'éclate quoi qu'il arrive » (mais est-ce que ça ne correspondait pas à l'errance des artistes expatriés dans le Paris de l'époque, artistes pour lesquels le divertissement était probablement la seule et unique occupation, le seul remède à une après-guerre pleine de désillusions ?) et l'hommage à Pampelune, à ses corridas et à ses jeunes toréros a un petit côté « t'as vu ma virilité sur-dimensionnée ? ».

Il y a de belles descriptions (le Paris nocturne, les parties de pêche à la truite dans les cours d'eau Espagnols, les corridas et l'art de la tauromachie), les évènements s'enchainent avec beaucoup de réalisme et de véracité (on a l'impression de visionner un documentaire!) et les relations au sein du groupe d'expatriés ne manquent pas de relief (on navigue de l'indifférence, feinte ou réelle, au cynisme et à la violence à peine contenue). Mais quelques faiblesses ternissent, selon moi, la qualité du livre : le scénario est faible (en bref, il ne se passe pas grand-chose, ce qui est quand même passablement ennuyeux), les protagonistes se ressemblent par leur penchant très prononcé pour l'alcool, on retrouve -à quelques exceptions près- les mêmes personnages du début à la fin du livre (donc pas d'effet de nouveauté), les dialogues sont insipides et l'homophobie comme l'antisémitisme de l'auteur sont à peine dissimulés. En complément, le style direct, sobre, dépouillé et sans recherche d'Hemingway, style produisant des phrases courtes et sans émotions (le côté journaliste de l'auteur, sans doute!), pourra désagréablement surprendre certains lecteurs ...

Il n'y a pas de doute : dans « Le soleil se lève aussi », Ernest Hemingway s'est confié à nous. Âgé alors de 27 ans, traumatisé, alcoolique et insomniaque, il nous a livré les détails de ses amours inaboutis (il a été marié plusieurs fois) et de certaines de ses amitiés fort pesantes (impuissant, n'était-il pas devenu homosexuel ?). Dans ce livre, son déguisement ne trompe personne : Jake, c'est lui, et cette époque d'après première guerre mondiale, pleine de désillusions, l'insupporte. de là, cette logorrhée, cette errance égo-centrée, sans émotions et superficielle. de là aussi, cette haine pour ceux qui ne réussissent pas, cette posture d'évitement envers la femme -supposément inaccessible et interdite- (cet être qu'il pare de tous les atours et de toutes les perfidies) et cette idéalisation des jeunes hommes, purs et dynamiques. Pour tout dire, j'ai assez moyennement apprécié : je mets trois étoiles.
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