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Critique de Bastien_P


Inégalable

Au début de chaque lecture d'un nouveau tome de Dune, je m'interroge sur ce que je vais bien pouvoir raconter dans la chronique associée. Répéter les qualités indéniables de cet auteur inégalable serait barbant. Pertinent, mais barbant. Alors, quelle matière Frank Herbert pourrait-il bien m'offrir afin que je ne sèche pas devant mes 26 lettres ?
A en croire mon émerveillement de gamin à l'ouverture et à la fermeture de chacun de ces chapitres, il n'y avait qu'à demander.

Pas moins de 19 années séparent la rédaction du premier volet de Dune de celle des Hérétiques de Dune, et force est de constater que l'auteur ne s'est pas perdu en chemin. Il garde en ligne de mire le même message global, cette destination empreinte de sagesse, ô combien spirituelle, et cette vision humaniste intimement liée à la question de l'évolution de l'espèce.
Encore une fois, ses écrits transcendent la temporalité, l'esprit, la mémoire, jusqu'à la chair de certains personnages. Cette immense fresque tant spatiale que sociétale nous contraint à ne jamais poser nos bagages. le mouvement est permanent, nécessaire, vital. Si la géopolitique – ou plutôt, la spatiopolitique – est effectivement au coeur de cette intrigue, au même titre que l'aventure et le suspense, les scènes les plus intenses et les plus lourdes de sens sont bel et bien, comme toujours chez Herbert, celles qui demeurent figées. En effet, en digne psychanalyste, c'est la dimension psychologique de ses personnages qui offre à Dune toute sa densité, toute sa perspicacité. L'analyse est ici omniprésente, de l'attitude la plus inconsciente aux décors potentiellement salvateurs, jusqu'aux “computations” mentales du mental qui tient ici le premier rôle. L'on a affaire à des tacticiens hors-pairs, qui sauront tirer avantage de tout ce que la création mettra sur leur chemin.
Ce sont donc des intelligences qui s'opposent, mais pas seulement. Herbert réintroduit les instincts humains, animaux, cette part subtile qui irradie les âmes les mieux préparées, et anime les actions de quelques élus. Ces rares éléments indomptables s'allient avec brio avec les dons de prescience, avec les réputations, l'éducation millimétrée, les facultés physiques jusque-là inégalées, ou encore les objectifs millénaires que les Soeurs du Bene Gesserit se sont fixés.

Cette quête est grandiose, diablement bien ficelée, et elle nous enseigne sans en avoir l'air dans des domaines aussi variés que l'écologie, les rapports humains, la stratégie, la religion, la génétique et… l'amour. Elle ouvre tout simplement notre champ de perceptions, en nous plongeant dans un univers à part, d'une richesse inestimable, où l'ascendance se révèle aussi précieuse que la descendance. Avec Herbert, la vision à long terme – que nos civilisations soi-disant modernes ont totalement perdue – prend tout son sens. La globalité et les multiples interactions entre les choses, les individus et les époques sont une science innée, élémentaire, inaltérable car décisive dans l'éternel processus d'évolution.
Lire Frank Herbert, c'est savourer un texte ciselé, où rien ne dépasse. C'est s'immerger dans une atmosphère, dans une ambiance, un contexte, un caractère. C'est passer de l'urgence à la sagesse d'un esprit éveillé, du désir à l'honneur, de l'allégeance à l'initiative individuelle, du retrait au sacrifice. Lire Herbert, c'est découvrir un vocabulaire propre à cet univers, c'est laisser cette profusion d'imaginaire stimuler notre intellect, c'est prendre en considération la diversité d'acteurs et de potentiels, pour finalement se laisser submerger par cette vague de clairvoyance, d'humanité et de sagesse. Concevoir tout cela est déjà une prouesse intellectuelle, alors l'écrire…

Ne vous y trompez pas, Dune n'est pas un ouvrage de science-fiction classique. D'ailleurs, ces deux mots assemblés, je parle en connaissance de cause, ont tendance à effrayer les lecteurs les moins téméraires. A tort. Oui, il faut être à ce qu'on lit. Oui, l'investissement et la concentration sont ici plus nécessaires que dans tout autre lecture. Mais il s'agit avant tout de littérature de l'imaginaire, avec autant d'éléments de fantasy que de sf. Même si vous avez peur que certains concepts vous échappent, cela n'enlèvera rien à votre expérience de lecture. Lisez le premier Dune, et vous saurez.
De mon côté, j'en ressort chaque fois plus inspiré.
Lien : https://editionslintemporel...
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