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Critique de marcphalippou


Ce dyptique couple les aventures de Tintin n°7 et 10. Surprenant ? Pas tant que ça, surtout si vous aimez prendre l'hydravion et avez un a-priori contre les bêtes noires...

Avion, train, voiture, caravane, paquebot, canot à moteur, hydravion... L'Île Noire nous offre une course-poursuite effrénée où tous les moyens de transport sont bons. Quitte à envoyer Tintin en Grande-Bretagne, autant rappeler tout ce que la locomotion humaine doit à l'Angleterre !

Loin de l'enfilage des 1ers albums mais toujours amateur des pauses gagesques et des multiples rebondissements qui émaillent le récit, Hergé nous embarque dans l'action dès la 1ère planche et laisse Tintin pour mort dès le bas de la 2ème. Ça démarre fort et ne s'arrête jamais. On se croirait dans Mort aux trousses d'Alfred Hitchkock. Et dire que Tintin et Milou se la coulaient douce en vacances dans la campagne belge !

Moderne dès sa 1ère version en 1936 et noir et blanc, L'Île Noire est aussi un récit d'aventure empreint de fantastique, façon Île au trésor enrichie au Chien des Baskerville. La brume écossaise et la première île que Tintin rencontre sur son chemin sont propices aux légendes. Aussi rationnel et moderne que son héros, Hergé n'hésite pas à changer le trésor habituel en une rotative. Comme si les faux billets des trafiquants  avaient des (faux !) airs d'albums de Tintin désormais imprimés en séries et des revenus associés pour Hergé.

On lit L'Île Noire d'un seul trait, le souffle haletant du début à la fin. Comme L'Étoile Mystérieuse.

Une chaleur insoutenable, comme en plein été. Une énorme araignée, les rats qui fuient les égouts. Un faux prophète, une gigantesque météorite qui fonce sur la terre. Et si la fin du monde était pour demain ?

Dans la peau d'un Tintin téméraire ramené à sa condition d'être humain, le début de cet album fantastique - dans tous les sens du terme - nous fait vivre les dernières heures de la planète Terre... à condition que les calculs des savants soient justes, bien évidemment !

Expédition scientifique, course de vitesse entre deux navires armés par deux grandes puissances, l'Aurore de l'Europe le chevalier blanc et le Peary par l'autre, le chevalier noir : l'histoire parue en feuilleton en 1941 et 1942 noye la 2ème guerre mondiale en cours dans un récit de fin du monde scientifique et fantastique. À moins qu'il s'agisse d'en mieux parler encore et d'en faire une métaphore. Et de rêver, comme Tintin après sa visite à l'observatoire...

Ok, l'occupation est le règne de l'obscurantisme et de la propagande, l'album le dit et le montre dès les 1ères cases. Mais si - l'araignée sur la lunette - on voulait bien voir plus loin que le bout de son nez ? Si l'Europe était unie, comme l'équipe de scientifiques en route sur l'Aurore vers le pôle Nord ? Car après tout - y compris cette araignée métaphore du Reich et de son Führer - l'Amérique - et plus largement - l'anglo-saxon - n'est-elle pas le véritable concurrent de l'Europe dans les courses modernes que sont la science, les techniques mais aussi la finance ?

Sabotages, chantage, trahisons, le récit à la Jules Verne donne aux Américains le mauvais rôle et aux banquiers des airs de caricatures... Hergé en subira longtemps les critiques. Et pourtant ! Ce métal qui n'est pas de l'or mais fait tout grandir plus vite, même les mirages, n'est-il pas le socle du rêve et de l'impérialisme américain ? Une allégorie de ce qu'on appelera plus tard le soft power ?

Et si le vrai soft power c'était la bd franco-belge ? Et L'Étoile Mystérieuse le 1er album - en couleurs - de distraction massive ? C'est en tous cas un plaisir de lecture où le Capitaine Haddock, pour sa deuxième apparition, régale et amuse la galerie. Tonnerre de Brest, quel album !
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