Le roi Arjon est perplexe. Il dévisage Ria sans animosité mais les propos que celle-ci vient de lui tenir ne sont pas de ceux qui laissent indifférent.
- Je vous respecte infiniment et n'ai jamais mis votre connaissance en doute, Gardienne de l'Air. Or, si j'en crois ce que disent nos prophéties, je n'ai guère le choix...
- Nous avons toujours le choix, dit Ria doucement, mais de nos décisions découlent les temps à venir...
(La nouvelle Archée (P78)
- Savez-vous que la composition de l’eau de mer est proche de celle des larmes ?
- La belle affaire !
Du coup, l’homme s’emporta :
- Fous que vous êtes d’ignorer l’essentiel ! J’ai été comme vous… un imbécile, de croire à la suprématie de l’intelligence humaine ! Nous n’avons pas plus de connaissance de ce qui nous entoure que d’infimes particules de plancton dans la mer de larmes que nous alimentons de nos drames…
(« Mer de larmes »).
Quelques grains de sable dans le creux de sa main – odeur de poussière – chuintement caressant qui s’insinue dans les plis de la peau, ocre douce qui réveille la mémoire flamboyant d’autres nuances.
C’est tout ce qui reste… Le passé prend-il toujours l’aspect irrationnel d’avoir été vécu en rêve ?
(« Rêve de désert »).
Aussitôt le vent se lève comme à l'approche d'un orage. Il ne recule pas devant les gerbes d'écume qui commencent d’écheveler les vagues spectrales. Ce chant qu'il perçoit dans les plaintes des rafales, triste et beau à en mourir, est-ce la Marie-Morgane, la blanche fille de la mer, qui se lamente ?
Avertissement
Les courts récits qui vont suivre relèvent plus de la nouvelle que du conte, pour ce qui est de la formule narrative. Cependant, il y a dans le mot « conte » une ouverture vers le merveilleux que je revendique en apanage de la Licorne, à laquelle j’ai toujours donné le pouvoir du Passage entre le monde réel et celui où tout est possible. Les nouvelles, donc, de ce recueil datent de plusieurs périodes, certaines ont déjà été publiées dans des revues suite à des concours ou des appels à texte. Elles explorent des pistes d’inspiration différente, mais toutes relèvent des lectures de l’imaginaire avec, en dénominateur commun, cette indispensable transgression qui fait que le cours du destin devient, d’un coup, plus intéressant. J’espère ainsi vous faire voyager de l’Auvergne à des mondes complètement irréels (?), d’autres faisant la part belle aux mythologies, mais toujours derrière les traces de l’insigne Licorne.
Tout a commencé par une réminiscence. Celle-ci était olfactive. Ce sont les plus traîtres, elles vous connectent par surprise à la partie la plus enfouie de votre inconscient et vibrent sur un rappel sensible qui ne parvient pas à se clarifier.
La suite en lecture à la radio en téléchargeant le fichier :
http://www.radiocraponne.com/wp/2016/03/12/pascale-blazy-un-livre-par-semaine-les-contes-de-la-licorne-le-couloir-des-licornes-de-martine-hermant/
Dans l'ambiance feutrée de la Bibliothèque Apostolique Vaticane, la nervosité de Viviane semblait déplacée : une tension presque palpable qui vibrait comme un sacrilège prêt à déchirer le silence de la convenance. Gilles se demandait quelle fantaisie son amie avait encore inventée. Il ne la connaissait pas dans ce rôle de victime aux abois.
Des lueurs semblables à nos feux follets terrestres se signalaient et je me mis à deviner des silhouettes nageant autour de moi - formes humaines - ondoiements de dauphins - tandis qu'un courant m'entraînait avec elles dans une direction inconnue. Je vis des chevelures déployées en étoles d'algues, des éclats de nacre briller sur les bras et les épaules blanches, des mouvances de nageoires comme des jeux d'éventails, indiscernable ballet de grâces aquatiques.
En cette étrange compagnie, je passai entre les vestiges de cités fabuleuses qui m'évoquèrent moins des ruines que des royaumes oubliés.
- Mer de larmes -