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Critique de BazaR


Ceci est un livre d'Histoire déguisé en roman historique.

Ce n'est pas une remarque négative, mais ça surprend quand même. C'est mon premier contact avec Catherine Hermary-Vieille, ceci explique peut-être ma surprise.
L'auteur décrit les événements de la guerre de Cent Ans depuis un peu avant Azincourt jusqu'à la mort de Yolande d'Aragon (on va même un peu plus loin dans l'épilogue). L'aspect romanesque tient dans l'utilisation de points de vue qui permet l'accès aux voix intérieures, aux ressentis personnels. Les principaux points de vue sont ceux d'Isabeau de Bavière, reine de France, épouse du roi fou Charles VI, et encore plus de Yolande d'Aragon, duchesse d'Anjou et comtesse du Maine et de Provence. Charles VII intervient un peu aussi. Curieusement, la troisième « louve » Jeanne d'Arc n'a pas droit à son point de vue et n'est vue qu'à travers les yeux des autres. Personnage trop complexe à gérer ? Trop exaltée ? Je pense que c'est parce que son point de vue n'aurait pas permis une transmission objective de l'Histoire.

Car c'est bien cette transmission qui est l'objectif principal du livre. Les points de vue ne pénètrent que très peu la pensée des personnages ; ils servent surtout à fournir les informations historiques. L'auteur ne prend pas le risque de tisser un écheveau d'émotions, de construire la psyché de ses personnages en se servant de l'imaginaire à la manière de Clara Dupont-Monod dans Le roi disait que j'étais diable. Les points de vue changent souvent, parfois d'un paragraphe à l'autre, ce qui nuit à l'identification du lecteur avec les personnages. Enfin, les dialogues sont rares. Bref, l'aspect roman disparait sous l'aspect Histoire, un peu comme Roger Caratini l'avait réalisé sur son Jules César.

Côté Histoire en revanche, on est très bien servi. Je pense que lire ce livre est une bonne façon de s'initier à la dernière partie de la guerre de Cent Ans et ses protagonistes, à condition cependant d'aller de temps en temps chercher des infos sur tel ou tel personnage, tellement ils sont nombreux. Et quand on connaît un peu, on apprécie d'autant plus les détails et anecdotes.
Malgré le peu de pénétration dans les personnages, certains prennent quand même vie. Ce livre m'a un peu réconcilié avec Isabeau de Bavière, une Reine qui a vu tous ses enfants mourir sauf Charles futur VII qui n'éprouve pas d'amour pour elle. On la voit partir d'une position de pouvoir – quand elle contrôlait son mari de roi – et en être peu à peu éloignée, devenant peu à peu nostalgique, se sentant coupable de ses échecs.
Jeanne d'Arc a droit à un traitement mitigé assez éloigné de son statut d'icône intouchable. Elle est absolument opaque à la raison, à la stratégie. Elle déteste ses ennemis Anglais et Bourguignons aussi forts qu'elle aime le dauphin Charles. Pas de pitié pour l'ennemi. Pas de pitié non plus pour l'hérétique, comme on la voit prête à partir en Bohême pour annihiler l'hérésie hussite.
De mes lectures précédentes, je n'avais pas gagné une opinion très positive du dauphin Charles, puis du roi Charles VII. C'est loin de s'arranger avec ce livre, au contraire. Coléreux, indécis, manipulable, absolument pas fidèle à ses alliés qu'il sacrifie sans problème une fois qu'ils ont servi. Détestable.
La grande gagnante est Yolande d'Aragon. Une personne lumineuse, intelligente, recherchant avant tout à épargner les malheurs de la guerre à son comté d'Anjou et manoeuvrant sans cesse pour briser l'alliance entre Anglais et Bourguignons et rapprocher ces derniers des Armagnacs ; ce qui sera réalisé en 1435 avec le traité d'Arras. C'est celle que j'ai trouvée la plus vivante ici. Les quelques flashbacks la ramenant en Provence où à la cour d'Aragon où les arts étaient favorisés donnent une certaine densité au personnage.

Pour résumer donc, on peut difficilement dire qu'il s'agit là d'un roman historique, mais on peut dire qu'il s'agit d'une façon fluide de raconter l'Histoire. Ce qui n'est déjà pas si mal.
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