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Critique de Presence


Il s'agit du premier tome d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2013, écrits par Jonathan Hickman, dessinés et encrés par Nick Dragotta et mis en couleurs par Frank Martin junior. Ce tome a été classé premier des meilleures ventes de recueils de comics aux États-Unis en août 2013, le mois de sa parution.

Tout commence par une séquence de 6 pages au cours de laquelle 3 individus reviennent à la vie dans une nouvelle incarnation, constatant que le quatrième n'est pas présent et promettant une apocalypse de grande ampleur. Après un intertitre, le lecteur découvre en 3 pages une Histoire divergente à partir de 1862, et la rédaction d'un deuxième livre de l'Apocalypse, d'une portée religieuse aussi universelle que le premier inclus dans le Nouveau Testament. L'histoire se déroule en 2064. Un homme à la peau blanche entre dans un bar. Il est tout de blanc vêtu dans une tenue de pistolero, il se fait appeler Death et est accompagné par 2 individus Crow (une femme à la peau noire comme l'ébène uniquement vêtue d'un pagne) et Wolf (une sorte de grand indien albinos). Cet homme vient interroger Hunter le barman. Ce dernier lui livre une liste de commanditaires de son assassinat. La vengeance peut commencer, sur fond d'annonce de l'apocalypse, d'union des 7 grandes nations, d'amour contrarié...

La première séquence ne fournit guère d'informations au lecteur, si ce n'est d'installer le thème de la prédestination, les 3 individus lisant les augures pour voir un futur déjà écrit. La suite permet donc de découvrir les actions de ces 3 personnages, ainsi que celles de celui qui se fait appeler Death (avec Crow et Wolf). Plusieurs séquences mettent en scène 3 des dirigeants des 7 nations (Antonia LeVay, Ezra Orion, Hu Mao, Cheveyo, Andrew Archibald Chamberlain, John Freeman et Bel Solomon). Il y a des intrigues, des alliances et des batailles homériques. La seule certitude est qu'Hickman plonge le lecteur dans un récit dont il est impossible d'anticiper les rebondissements. Il y a donc une composante de science fiction dans un futur comprenant aussi bien des technologies futuristes que de grandes étendues naturelles. Il y a des scènes de dialogues mettant en évidence des émotions intenses, voire exacerbées, et d'autres des manigances complexes. Hickman a conservé son habitude d'insérer des pages d'intertitre mettant en exergue une phrase prononcée ou non par un des personnages. du début à la fin, le suspense ne faiblit. du début à la fin, le lecteur découvre petit à petit qui sont les personnages, dans quels environnements ils évoluent, quels sont les enjeux, etc.

Jonathan Hickman est passé maître pour bâtir des intrigues à la trame envoûtante et ambitieuse. Il a fait preuve de ses talents sur des séries Marvel comme Fantastic Four et Avengers , ainsi que sur un crossover "Infinity". Il a également plusieurs séries indépendantes à sont actif : Pax Romana, Red wing, Projets Manhattan. Il s'est ici associé avec Nick Dragotta qui avait dessiné quelques uns des scénarios d'Hickman pour la série Fantastic Four, ainsi qu'une histoire complexe de superhéros Vengeance (scénario de Joe Casey).

Dragotta a fort à faire, pour cause de scénario exigeant. Il doit inventer des décors d'anticipation, composante qui apparaît surtout dans la forme des bâtiments et la monture que chevauche Death. Il réussit une pleine page magnifique montrant un jeune garçon à genou, le corps relié à des câbles le connectant à des ordinateurs. Dragotta n'est pas loin de retrouver la force d'évocation d'Otomo dans Akira. Il doit transcrire la majesté de sites naturels, ce qui donne lieu à de superbes séquences (telle celle où Death, Crow et Wolf font rôtir un bison à la broche dans au beau milieu d'une grande plaine herbeuse, à la tombée de la nuit). Il doit transcrire la sérénité du jardin de bonsaïs de Xiaolian, la saeur d'Hu. Il s'avère tout aussi convaincant lors de scènes de massacre de grande envergure, ou de la décapitation sommaire de plusieurs individus. À chaque fois sa mise en scène rend compte de l'ambiance du lieu, et il joue discrètement avec les conventions visuelles du western, à commencer par le les individus se faisant face pour un duel en règle.

Dragotta a également effectué un travail remarquable de conception graphique de chacun des personnages pour que leur apparence soit unique, originale et immédiatement reconnaissable. de séquence en séquence, il est possible de repérer un élément de ci, de là qui montre que Dragotta ne se contente pas d'une mise en image littérale, mais qu'il intègre des solutions graphiques élaborées. C'est ainsi que lors de la bataille dans le bar, il figure le carnage en cours uniquement par d'énormes onomatopées visibles en arrière plan, tel Ken Bruzenak (fréquent collaborateur d'Howard Chaykin) au meilleur de sa forme. Alors que Death pointe le canon de son revolver sur sa prochaine victime, l'arrière plan est rouge foncé, avec des tâches noires non figuratives annonciatrices des éclaboussures de sang à venir. Il y a quelques silhouettes de gratte-ciels colossaux, enflammant l'imagination, sans avoir besoin de se perdre dans les détails. Il y a cette page composée de 18 cases, montrant l'avancée inexorable de Death. Il y a le regard déterminé disant la futilité de toute discussion de Xiaolian, dont la pureté évoque les héroïnes de Mitsuru Adachi.

Comment une histoire aussi atypique a-t-elle pu se retrouver en tête des ventes, c'est un mystère. Par contre, il est sûr qu'Hickman a trouvé en Nick Dragotta un dessinateur motivé et capable de donner forme à un récit exigeant, et qu'il a bâti une intrigue prenante dès le début, malgré la densité de non-dits et d'implicite, grâce à un savant dosage d'anticipation, de politique fiction, de fin du monde proche, d'amour contre nature, de combats d'ampleur, et d'exécution sommaire.
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