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Critique de shelbylee


Il faut tout d'abord savoir (et c'est bien indiqué sur la 4e de couverture) que ce roman a été publié au Japon en 1998, mais seulement traduit aujourd'hui. C'est à la fois son atout et son principal défaut.
C'est un défaut car certains aspects apparaissent, même si on a conscience que le livre a plus de 15 ans, comme extrêmement datés. Par exemple, les policiers décident d'interroger en priorité les gens qui ont un ordinateur ce qui élimine un certain nombre de personnes (ce qui en plus m'a semblé un peu étrange car j'avais moi-même déjà un ordinateur en 1998), on se retrouve avec une explication détaillée de ce qu'est un GPS ou bien encore l'hélicoptère conçu par la firme est censé être le premier de son genre à être à commande électronique (et non pas à commande manuelle). Ce n'est pas forcément gênant dans certains types d'ouvrages, mais celui-ci étant basé sur les hautes technologies, cela donne forcément un aspect vieillot à l'ensemble.
De plus, nous sommes un peu noyés sous les informations. Higashino essaye d'expliquer le plus clairement possible les technologies rencontrées dans ce livre, que ce soit au niveau des centrales nucléaires ou bien de l'hélicoptère ou encore de l'informatique, ce qui rend parfois la lecture un peu fastidieuse soit par ce que l'on s'y connait déjà et donc ce qu'il écrit peut sembler inutile (par exemple, il y a un élément de l'intrigue auquel j'ai tout de suite pensé parce que j'ai déjà visité une centrale nucléaire), soit parce que l'on ne s'y connait pas du tout et qu'en général c'est parce que cela ne nous intéresse pas particulièrement (gros soupir devant la énième description de l'intérieur de l'hélicoptère). de même, comme on passe d'un personnage à l'autre de manière assez rapide et que les personnages principaux sont assez nombreux, à chaque fois leurs fonctions sont répétées. Or, leurs titres font en général presque une ligne et même si c'est utile, cela donne une impression de lourdeur au texte. Cela démontre bien par contre le fait que les fonctions soient morcelées et donc que les services se concurrencent de façon à être les premiers à trouver le coupable, quitte à ne pas livrer toutes les informations au service voisin. Toutefois, on peut franchement douter que dans un monde post-Fukushima, les autorités japonaises réagiraient de la façon décrite dans ce livre.
Quant au bandeau "Le Stieg Larsson japonais, The Times", je le trouve mal venu et à mon avis source de déceptions. J'ai lu Millénium et j'ai lu les 4 ouvrages d'Higashino traduits en français et je ne vois franchement aucun rapport entre les deux que ce soit au niveau des thèmes, de la construction narrative ou du style d'écriture. Et même si j'apprécie sans doute plus Higashino que Larsson, je pense que cela risque de jouer en défaveur de l'auteur japonais.

Il n'en reste pas moins que Keigo Higashino est un visionnaire. Il narre son histoire en direct, heure par heure, voire minute par minute en multipliant les points de vue à la façon d'un 24 heures chrono (mais avant que la série n'existe). Il met en place une histoire où des terroristes détournent un hélicoptère et mettent en danger la population avant le 11 septembre. Il évoque déjà les problèmes d'usurpation d'identité. Il indique un incident nucléaire à la centrale de Mihima (je ne sais pas si celui qu'il indique s'est réellement passé, mais ce qui est sûr, c'est qu'il y en a eu un important en 2004). Enfin, la dernière phrase du livre est terriblement glaçante quand on sait ce qu'il s'est passé en 2011 (je n'ose même pas imaginer ce que qui a pu traverser la tête de l'auteur en repensant à ce qu'il avait écrit).

Enfin, le but d'Higashino, évoqué a plusieurs reprises au cours de la lecture en particulier à la fin, est de permettre aux gens de s'interroger au sujet du nucléaire et notamment toutes les personnes qui sont indifférentes, qui n'ont aucune opinion à ce sujet ou bien encore qui le traite avec légèreté ou avec trop d'assurance. Il est, par exemple, assez frappant de lire que "l'industrie nucléaire japonaise clamait qu il n'y aurait pas de fuites radioactives même si un avion s'abattait sur une centrale nucléaire" sachant qu'ils n'ont toutefois pas prévu cette hypothèse puisqu'il était interdit de survoler les centrales. Et pourtant, tout au long du livre les techniciens en sont tellement persuadés qu'ils restent dans la centrale et autour, pensant que le risque est minime. Toutefois, l'auteur ne stigmatise pas ces personnes, qu'on accepte cette technologie ou qu'on la rejette, selon lui, le tout est de savoir pourquoi on le fait. Il explique aussi assez clairement les différences entre les réacteurs à eau légère (en particulier réacteur à eau pressurisée, massivement utilisés en France) et les surgnérateurs à neutrons rapides utilisant le sodium liquide hautement inflammable au contact de l'eau de type Superphénix (évoqué dans le livre) et d'autres dont l'utilisation a été arrêtée à cause de risques trop nombreux ainsi que de prévisions fausses sur le risque de pénurie d'uranium. Si le livre ne permet évidemment pas de trancher le débat et reste un divertissement, il lance toutefois des pistes de réflexions intéressantes.

En quelques mots : Si le texte présente un côté daté au niveau technologique et de trop nombreuses précisions techniques, il soulève de nombreuses interrogations qui sont toujours d'actualité sur l'utilisation du nucléaire.

Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud qui m'ont permis de découvrir ce livre. J'espère que Keigo Higashino continuera à être traduit, car c'est décidément un auteur extrêmement intéressant !
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