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Critique de sabine59


" Moi un homme
moi Nâzim Hikmet poète turc moi
ferveur des pieds à la tête
des pieds à la tête combat
rien qu'espoir, moi."

Ainsi se définissait le poète en 1934, alors qu'il vient d'être condamné à 5 ans de prison par le gouvernement turc, en tant que communiste militant.Comme Claude Roy nous l'explique , dans sa très intéressante préface, il aura passé de nombreuses années en prison, notamment 10 ans continus entre 1940 et 1950. Ce sera ensuite l'exil, de pays en pays.

Je ne connaissais que quelques poèmes de lui, les plus emblématiques, comme " La plus étrange des créatures ":

" Tu es comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d'épouvante"...

Dans ce recueil très complet et chronologique, j'ai découvert un homme courageux et fort de ses convictions, plein d'humanité, libre dans sa tête malgré la captivité , amoureux des mots, de la vie, des pays traversés pendant l'exil. Tendu aussi vers les femmes aimées, au-delà des murs de sa prison.

Ses poèmes m'ont fort émue, transportée, car ils sont puissants, sincères, ils creusent en eux tout l'élan douloureux d'un homme que l'on veut briser et qui résiste, en peignant, en écrivant, refusant de céder au désespoir.

Certains d'entre eux sont particulièrement ancrés en moi, comme ce touchant hymne à la vie, "Dimanche":

" Aujourd'hui c'est dimanche.
Pour la première fois aujourd'hui
ils m'ont laissé sortir au soleil,
et moi,
pour la première fois de ma vie,
m'étonnant qu'il soit si loin de moi,
qu'il soit si bleu
qu'il soit si vaste
j'ai regardé le ciel sans bouger.
Puis je me suis assis à même la terre, avec respect,
je me suis adossé au mur blanc.
En cet instant, pas question de gamberger.
En cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme.
La terre, le soleil et moi.
Je suis heureux."

J'ai été très sensible aussi aux poèmes écrits durant ses voyages, notamment en Pologne, en Russie.Et à Prague, une ville dont il sait bien rendre tout le charme:

"Dans Prague tandis que blanchit l'aube
La neige tombe,
mouillée,
d'un gris de plomb.
Dans Prague doucement s'éclaire le baroque
tourmenté, lointain;
Dans ses dorures une tristesse noircie.
Sur le pont Charles les statues
sont des oiseaux venus d'une étoile morte."

Son univers riche, fourmillant, il est difficile pour moi de le transcrire, je préfère vous laisser le découvrir, l'aimer, en palper toutes les nuances, les éclats, au fil des pages.Vous en imprégner, et garder en vous l'image d'un homme mis à l'épreuve du monde , un homme magnifique qui écrit :

" Je regarde la nuit à travers les barreaux
et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine,
Mon coeur bat avec l'étoile la plus lointaine." ...




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