AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,36

sur 62 notes
5
9 avis
4
0 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis
L'étrange voyage en captivité de Nazim Hikmet

L'écrivain turc Nazim Hikmet, nous embarque dans sa fuite forcée en Europe, comme une hymne à cette liberté, si peu goutée dans sa vie, de Paris à Moscou, des villes et des langues qu'il affectionnait particulièrement malgré le mal de son Anatolie natale, “ô ma rose, l'exil est pire que la mort”.

“Je pense que sans la liberté il n'y a rien dans le monde.” Chateaubriand. Né dans l'Empire Ottoman, le militant communiste passa plus de 13 ans dans les geôles turques avant de s'exiler en Pologne. Son enfermement fut poétiquement fécond, la lutte pour “un monde nouveau” et surtout l'espoir d'aimer à nouveau une fois sorti sont au coeur de ces poèmes. Hikmet est un indécrottable romantique et ses ôdes à la muse, et à la vie, louée soit-elle, sont comme un adoucisseur de ce temps qui passe sans lui, hors les murs de sa prison.

Le style des poèmes “lyriques” de la première partie est lâche, léger et percutant, d'une fraicheur et d'une émotion facile qui invitent à la rêverie, l'imagination et l'empathie. Les poèmes “épiques” qui complètent le recueil se veulent plus narratifs, et sont à mon sens plus lourds, et moins accessibles.

“Et voilà, mon amour, et voilà, être captif, là n'est pas la question,
La question est de ne pas se rendre…”

Aujourd'hui encore, l'engagement marxiste de Hikmet en fait un auteur suspect en Turquie où il fut interdit de publication pendant plus de trente ans après sa mort. Mais à l'étranger, la poésie de ce “citoyen du monde” continue de fédérer les partisans des luttes que le poète lui-même considérait tous unis par delà les origines.

« Mes frères,
En dépit de mes cheveux blonds,
Je suis Asiatique,
En dépit de mes yeux bleus,
Je suis Africain… »

Comme alertait récemment l'écrivain et avocat François Sureau “il dépend de très peu de monde que notre société se corrompe” et, si les laisses et harnais modulables ont remplacées les chaines, ne nous laissons pas distraire par des gamelles bien pleines et des niches douillettes, le cuir vaut bien le fer…

Qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          760
La critique et les extraits cités par Sabine59 m'ont permis de découvrir Nâzim Hikmet et ce recueil au titre si enchanteur.

Le poète se révèle dans sa poésie : amoureux des femmes, amoureux de la langue et de ses beautés, opposant au régime de son pays la Turquie qu'il aime d'un amour passionné et ancré dans la chair. On le suit en prison ou dans les exils auxquels sa contestation politique et ses convictions socialistes le contraignent. On le voit se relevant d'un problème cardiaque ou d'une grève de la faim.

Sa poésie est à l'image de son parcours et de sa personnalité :foisonnante, riche et d'une incroyable sensibilité. de ses vers émane aussi bien la célébration séculaire de la terre natale que la dénonciation du bombardement d'Hiroshima ou de l'Italie sous le joug mussolinien.

Un recueil que je recommande vivement aux amoureux de la beauté des mots.
Commenter  J’apprécie          371
" Moi un homme
moi Nâzim Hikmet poète turc moi
ferveur des pieds à la tête
des pieds à la tête combat
rien qu'espoir, moi."

Ainsi se définissait le poète en 1934, alors qu'il vient d'être condamné à 5 ans de prison par le gouvernement turc, en tant que communiste militant.Comme Claude Roy nous l'explique , dans sa très intéressante préface, il aura passé de nombreuses années en prison, notamment 10 ans continus entre 1940 et 1950. Ce sera ensuite l'exil, de pays en pays.

Je ne connaissais que quelques poèmes de lui, les plus emblématiques, comme " La plus étrange des créatures ":

" Tu es comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d'épouvante"...

Dans ce recueil très complet et chronologique, j'ai découvert un homme courageux et fort de ses convictions, plein d'humanité, libre dans sa tête malgré la captivité , amoureux des mots, de la vie, des pays traversés pendant l'exil. Tendu aussi vers les femmes aimées, au-delà des murs de sa prison.

Ses poèmes m'ont fort émue, transportée, car ils sont puissants, sincères, ils creusent en eux tout l'élan douloureux d'un homme que l'on veut briser et qui résiste, en peignant, en écrivant, refusant de céder au désespoir.

Certains d'entre eux sont particulièrement ancrés en moi, comme ce touchant hymne à la vie, "Dimanche":

" Aujourd'hui c'est dimanche.
Pour la première fois aujourd'hui
ils m'ont laissé sortir au soleil,
et moi,
pour la première fois de ma vie,
m'étonnant qu'il soit si loin de moi,
qu'il soit si bleu
qu'il soit si vaste
j'ai regardé le ciel sans bouger.
Puis je me suis assis à même la terre, avec respect,
je me suis adossé au mur blanc.
En cet instant, pas question de gamberger.
En cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme.
La terre, le soleil et moi.
Je suis heureux."

J'ai été très sensible aussi aux poèmes écrits durant ses voyages, notamment en Pologne, en Russie.Et à Prague, une ville dont il sait bien rendre tout le charme:

"Dans Prague tandis que blanchit l'aube
La neige tombe,
mouillée,
d'un gris de plomb.
Dans Prague doucement s'éclaire le baroque
tourmenté, lointain;
Dans ses dorures une tristesse noircie.
Sur le pont Charles les statues
sont des oiseaux venus d'une étoile morte."

Son univers riche, fourmillant, il est difficile pour moi de le transcrire, je préfère vous laisser le découvrir, l'aimer, en palper toutes les nuances, les éclats, au fil des pages.Vous en imprégner, et garder en vous l'image d'un homme mis à l'épreuve du monde , un homme magnifique qui écrit :

" Je regarde la nuit à travers les barreaux
et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine,
Mon coeur bat avec l'étoile la plus lointaine." ...




Commenter  J’apprécie          3211
Son oeuvre est comme celle d'un long fleuve venu d'une terre lointaine qui, traversant les paysages humains, s'est enrichie de plusieurs affluents venus agrandir son cours jusqu'au grand estuaire de la poésie. Cette oeuvre, c'est celle du grand poète turc Nâzim Hikmet.

L'écriture de Hâzim Hikmet, son style, sont indissociables de sa vie d'homme, de son enfance, de ses engagements mais aussi de l'histoire de son pays.
Au début du XXème siècle, La Turquie subissait de profonds bouleversements. Après l'effondrement de l'empire ottoman et de nombreuses années de conflit, en 1923 la République turque est proclamée avec à sa tête Mustafa Kemal Atatürk qui met en place un pouvoir très autoritaire. En 1921, Nâzim Hikmet quitte Istanbul pour Ankara, haut lieu de la résistance pour l'indépendance du pays. C'est à ce moment-là qu'il fait la rencontre de la paysannerie anatolienne, misérable et valeureuse. Cette rencontre va être décisive dans ce qui sera très vite son engagement politique et poétique.

Son combat de dénonciation de l'impérialisme, de l'exploitation de la misère, ses activités politiques en faveur du socialisme vont irriguer toute la pensée et toute la poésie et le théâtre d'Hikmet. Homme d'action, engagé, insatiable, il va connaître de nombreuses périodes d'exil mais aussi des peines d'emprisonnement (il restera détenu 15 ans sa vie durant). Nâzim Hikmet était aussi un homme épris de voyages, particulièrement dans les dernières années de sa vie, ce qui lui permis de faire de nombreuses rencontres à travers le monde.

Dans une écriture simple et sensible, dans un lyrisme touchant, Nâzim Hikmet s'engage à transformer l'anecdotique en sublime, à ériger le particulier en universel. Généreux et subtil, le propos du poète turc s'encre inlassablement dans la liberté et se répand dans l'ère d'une touchante fraternité, dans la fresque d'une humanité toujours en mouvement.

La poésie d'Hâzim Hikmet a des résonances toutes particulières pour moi : celle d'une époque, d'un monde où les femmes et les hommes croyaient en eux, celle d'un parcours d'un homme engagé, qui a su porter haut ses idéaux, leur donner le plus beau tour qui soit, celui de l'action et de la poésie.
Commenter  J’apprécie          220
Magnifique, plein d'élévation, d'empathie et de spiritualité. Nazim Hikmet était communiste par amour de l'humanité. Sa mystique sans fanatisme s'échappe de chaque vers. Son oeuvre est telle que l'homme, qui passa la plus grande partie de sa vie en prison et y fut honoré comme un sage.
Un grand homme et un grand écrivain à la parole simple et réconciliatrice.
Ce n'est pas de la poésie difficile, il n'y a pas d'orientalisme, il n'y a pas de prêchi-prêcha politique. Cela s'adresse à tous, opprimés, hommes heureux, femmes courageuses ou non, et aussi à tous ceux qui croient vivre une vie terriblement quotidienne et qu'il invite à ouvrir les yeux sur de simples miracles....
S' y plonger de temps à autres comme dans une eau pure.
Commenter  J’apprécie          100


Une pépite ...
Commenter  J’apprécie          71
Nazım Hikmet, poète engagé et humaniste, possédait le don de capturer les émotions et les préoccupations les plus profondes de l'âme humaine.
Les poèmes de ce recueil abordent des thèmes qui sont aussi pertinents aujourd'hui qu'ils l'étaient à son époque et qui ont su me toucher profondément.

Hikmet explore la vie, la mort, la liberté, la résistance, la cruauté de la guerre, l'espoir et l'humanité avec une sensibilité poétique remarquable. Ses mots nous rappellent que, malgré les circonstances changeantes du monde, les expériences humaines fondamentales restent inchangées. Nous pouvons toujours nous identifier à la quête de sens, à la lutte pour la justice, à la recherche d'espoir et à la contemplation de notre place dans le monde.

Sa poésie est un rappel puissant de la responsabilité que nous avons envers notre propre humanité et celle des autres. Elle nous exhorte à réfléchir, à agir et à célébrer la vie, même dans les moments les plus sombres.
Les poèmes de Nazım Hikmet passent les barrières de la langue et des différences culturelles, touchant quiconque les lit, je pense.
Commenter  J’apprécie          50
Nâzim Hikmet est reconnu, en France, comme un des poètes turcs les plus représentatifs et les plus authentiques. Mais son oeuvre elle-même, assez peu diffusée, n'est guère connue du grand public, du moins en dehors des cercles intellectuels communistes. Longtemps, le nom de Nâzim Hikmet fut associé, chez nous, aux paroles de quelques chansons : Mon frère et La plus belle des mers (Yves Montand, 1967), ou encore A vous mes beaux messieurs (Julos Beaucarne, 1974). Ces textes forts et riches, portés par des pointures de la chanson française, donnaient déjà une idée de la dimension humaniste et poétique de l'auteur. Mais c'était peu pour attirer l'attention sur notre auteur.
Ce manque de notoriété – aujourd'hui comblé – ne doit pas cacher l'évidence : Nâzim Hikmet est un des plus grands poètes turcs, et un des plus grands poètes du XXème siècle. Comme souvent, sa vie et son oeuvre sont indissociables. Confronté depuis sa jeunesse à la misère sociale de son pays, il acquit très tôt les principes libertaires du communisme – tout en en condamnant les excès -, et très tôt mesura les limites des mots liberté et démocratie. Cet engagement auprès du Parti peut le rapprocher d'autres poètes comme Garcia Lorca, Maïakovski, Neruda, ou, pour rester chez nous, Aragon, Eluard ou Breton, mais la comparaison s'arrête là. Nâzim Hikmet, avant tout, est un poète turc, oriental, héritier de la tradition arabo-persane et en même temps soucieux de modernité (il fut l'un des créateurs du vers libre dans la poésie turque). Autre parallèle avec Aragon, cette double passion pour sa patrie et pour sa bien-aimée, ces deux amours qui n'en font qu'un, et qui tendent vers un idéal commun de bonheur et de paix. Mais si Aragon s'avance masqué, Hikmet, lui est transparent. Il n y a aucune ambigüité dans son propos : libertaire oui, son expérience communiste l'y a entraîné, mais surtout humaniste : la misère, la souffrance physique, morale et intellectuelle, la privation de liberté, le sentiment d'appartenance à la grande humanité, font de lui un poète compatissant, consensuel, et d'audience universelle.
Car le poète ne se limite pas au simple constat d'un monde où règnent la misère et l'injustice, il pose des jalons pour l'avenir. Il se fait porteur d'un idéal d'amour, de paix, en combattant inlassablement les excès du totalitarisme (prison, tortures, exécutions), en condamnant la guerre sous toutes ses formes (notamment nucléaire), et en célébrant la nature. Voilà tout un pan de l'oeuvre de Hikmet qu'il convient de mettre en lumière : le poète se confond dans la nature qui est son milieu ambiant, l'endroit où l'on vient – au sens littéral du texte – se ressourcer.
Car nous noterons bien évidemment que dans toute l'oeuvre de Nâzim Hikmet, le maître mot est Homme. le mot Homme, en tant que sexe par opposition, par juxtaposition plutôt, au mot Femme – et l'on sait quelle place tient l'amour dans l'oeuvre du poète ! – mais surtout Homme en tant que représentant de l'Humanité. L'un de ses plus beaux poètes, s'intitule justement La grande humanité (voir Citations)
Le combat pour la dignité de l'homme est un autre leit-motiv du poète. Il va de pair avec la compassion, avec la révolte éventuellement, avec l'espoir surtout. Cet espoir qu'il dit, invoque, et redit sans cesse à sa bien-aimée, au point qu'il fait corps avec elle : la liberté physique du prisonnier signifie également le retour à l'être aimé - dans les deux sens - et en même temps il se superpose avec l'espérance d'un monde meilleur pour tous les opprimés, les malheureux, les délaissés de ce monde.

L'humanisme n'est pas autre chose : c'est la conscience que l'homme appartient à un groupe dont pour sa survie, il doit rester solidaire. On pense à Saint-Exupéry et Camus, bien entendu. Mais Nâzim Hikmet tient exactement le même discours :

Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés jusqu'au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu'à dire que c'est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.

Commenter  J’apprécie          50
Nazim Hikmet a vécu 61 années sans concession. Engagé politiquement et socialement pour son peuple turc, pour tous les peuples opprimés. Emprisonné, exilé, Nazim Hikmet a construit une oeuvre courageuse, parfois mystique qui condamne les puissants, qui chante la vie des petites gens au confins des ténèbres.
Il cueille dans la richesse culturelle de tout un continent et trace des épopées africaines dévoilant des drames, des angoisses, des fantasmes. Ses voyages le nourrissent.
J'ai été gênée par les nombreuses répétitions de mots ou/et de vers dans ses textes. C'est une figure de style qui amoindrit la fluidité de l'oeuvre, à mon sens.
Commenter  J’apprécie          50
Un flamboyant aperçu de la poésie engagée et puissante de l'immense exilé turc.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/03/25/note-de-lecture-il-neige-dans-la-nuit-et-autres-poemes-nazim-hikmet/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (189) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1226 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}