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Critique de darkon31


La Croisade de Lee Gordon (ou La Croisade solitaire) est le livre le plus intime de Chester Himes. Lors de sa publication en 1947, sa femme Jean le menaça de divorcer, car elle se reconnaissait trop dans la femme du héros Ruth Gordon.

Le livre traite du mur intérieur et extérieur que représente la ségrégation raciale et expose comment Lee Gordon, jeune noir américain, se cogne à ce mur sans jamais pouvoir le détruire, même en s'engageant dans les mouvements politiques les plus progressistes, même avec tout l'amour des femmes et la fidélité de ses amis.

Cela rend un son de tragédie antique. Quoique fasse le héros il est marqué par son destin, matérialisé dans la couleur noire de sa peau. Fils de la malédiction qui pèse sur sa race, Lee est paradoxalement libéré face à toutes les conventions sociales, les idéologies, les discours, les prétentions des divers groupes politiques.

Pourtant il n'est pas cynique. Il travaille pour un des syndicats qui tentent de rassembler les ouvriers à Los Angeles, en 1943. Il est chargé de recruter et d'organiser les travailleurs noirs. Tout pourrait marcher à peu près correctement, mais bientôt il se confronte à l'immoralisme des dirigeants locaux du Parti Communiste qui veulent noyauter le syndicat et n'hésitent pas à sacrifier les leurs si cela peut servir la cause du parti. Lee refuse d'accepter cette forme de réalisme politique, mais le parti demeure de toute façon plus fort que lui.

Car le drame de Lee Gordon c'est qu'il est isolé, comme sans doute tout être humain sur cette Terre. le syndicat, le parti, ne résolvent pas cette réalité fondamentale. En somme L.G. n'est pas seulement un noir. C'est aussi un individu et comme tel il ne se reconnaît dans aucune cause commune. Ici c'est l'individualisme américain qui résiste à l'idéologie socialiste et communautariste.

L'homme cultivé qu'est Chester Himes est profondément individualiste. Certes la cause des noirs, celle des travailleurs, celle des femmes – toutes ces causes le touchent. Mais au-delà, il demeure un individu et est très conscient de l'être. C'est sa fierté d'intellectuel non conventionnel et non aligné. C'est surtout son unique façon de s'affirmer comme un être humain, par-delà toutes les ségrégations et les divisions sociales.
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