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Critique de Pavlik


Ce livre a deux vertus principales, et non des moindres : pédagogie et vulgarisation. A ce titre, je le conseillerais en premier lieu aux femmes victimes de violences (celles qui l'ont été, qui le sont, qui se posent des questions...) ou à leur entourage. Un professionnel (travailleur social, éducateur spécialisé) qui débuterait un travail dans une structure accompagnant ce genre de problématique y trouverait également son compte.

Marie-France Hirigoyen est psychiatre et psychothérapeute et s'intéresse aux problématiques liées aux violences conjugales (et à la violence en générale) depuis de longues années. Elle possède donc le savoir empirique construit au contact de la parole de nombreuses victimes. Sur la base d'une approche psychologique du phénomène des violences, elle décrit avec des mots toujours accessibles, les différentes formes de violences psychologiques, ainsi que les phénomènes à l'oeuvre dans la mécanique perverse de l'emprise. Ainsi, elle insiste sur deux messages qu'il est toujours essentiel de rappeler : il existe des raisons psychologiques qui expliquent les grandes difficultés qu'ont les femmes victimes à quitter l'homme violent (raisons souvent ignorées ou incomprises par l'entourage et nombre de professionnels, et qui provoquent chez eux de l'agacement). Et deuxièmement, toute violence est avant tout psychologique : les marques des coups partent facilement, mais les mots et les attitudes restent longtemps gravés au fer rouge dans l'âme, et leur effet est dévastateur.

La description qu'elle fait des profils des hommes violents est éclairante, mais aussi, d'une certaine façon, très "déprimante", quand elle pointe la très grande difficulté (qui frise l'impossibilité) à travailler, au niveau thérapeutique, avec ces hommes. Pour elle, il n'y a donc pas d'autres solutions pour ce sortir de la violence (car, finalement, toute les formes de violences sont liées), que de réfléchir en amont et de mettre le paquet sur la prévention et l'éducation : aider les parents, c'est protéger les enfants.
Il faut le dire avec calme, mais lucidité : nous vivons dans un pays dont la Protection de l'Enfance fonctionne (ou tente de ) avec des moyens ridicules, une culture parfois archaïque, et des professionnels mal formés ou mal encadrés. Nous vivons dans un pays qui n'a pas compris que le social et l'éducatif ne sont pas des fonds donnés à perte, mais au contraire, un formidable investissement sur l'avenir. Car il est bien évident que la violence engendre la violence, (les enfants témoins deviendront peut-être eux-même agresseurs ou victimes) et son lot de "coûts sociaux".

Pour terminer, je résumerais en disant que ce livre peut-être très utile à beaucoup de femmes (et d'hommes). Je ne suis pas toujours d'accord avec ses postulats théoriques (par exemple, l'auteur ne semble pas souscrire au concept de doxa, ni d'habitus de genre, tel que définit par Bourdieu, ou encore de "fait social") mais là n'est pas, au fond, le plus important. Ce qui me gêne davantage, c'est le manque de vigueur à dénoncer l'incurie scandaleuse de la réponse judiciaire, dans nombre de cas, qui, si elle était moindre, aiderait sans aucun doute beaucoup de femmes à ne pas s'enfermer dans une posture mortifère de victime (même si j'entends bien l'argument de l'auteur sur le non sens d'une judiciarisation à outrance : disons que, quand c'est le cas, on serait en droit d'attendre de faire face à des professionnels formés à ces questions : on sait pourtant faire un Parquet National Financier, non ?)

PS : les nombreux extraits de témoignages qui émaillent la lecture de ce livre sont un plus pour que les femmes potentiellement victimes qui le liraient identifient les maux, en y mettant des mots...
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