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Critique de emmyne


Il ne s'agit pas de la révolte de l'enseignant d'une jeunesse fanatisée. Pas de stéréotypes dans ce texte qui n'a rien de la fresque historique, le propos est dense, intimiste, sans pathos. Il se fait révélateur de situations et d'une période troubles – comme le sera ce meurtre, aux mobiles qui n'ont rien de politique au sens strict -, révélateur de cette société allemande entre crise économique, nationalisme et racisme. Il se fait annonciateur de jours froids, de la damnation d'un peuple, de la quête de rédemption d'un homme.

Ni l'époque ni le pays ni la doctrine nazie ne sont nommés explicitement, le lecteur sait – par l'intervention de personnages secondaires plus âgés que le narrateur y faisant référence en précisant qu'ils sont de la génération l'ayant vécue – que les faits se déroulent environ une dizaine d'années après la Grande Guerre.

Amère et cruelle lucidité dans ce roman rédigé en monologue rythmé par des chapitres courts, une narration particulière tant sont prégnantes les angoisses et les questions du narrateur : l'écriture, exigeante et incisive, néanmoins parfaitement limpide, parvient à rendre le paradoxe entre cette acuité, ce réalisme social et la forme de démence dans laquelle ces scènes, ces dialogues, semblent entraîner parfois le narrateur. Mais cette folie n'est pas la sienne. C'est en cela que son enquête sur l'assassinat de l'élève durant un camp de plein air ( d'entraînement militaire ), ses choix de vérité, se font quête. Pourtant, Ödön von Horvath ne donne pas de sens à son récit – y-a-t-il encore du sens ? « Les hommes ont perdu la tête et ceux qui ne l'ont pas perdue n'ont pas le courage de passer la camisole des fous » -, il prononce une sentence : pour jugement, l'enfer qui attend les adolescents de cette génération et leurs parents, filant non pas la métaphore du mouton mais celle du poisson, de la métamorphose en poisson, hors humanité ce corps froid au regard rond, impavide. Métamorphose, oui, il y a quelque chose de kafkaïen dans les angoisses du narrateur aux prises avec son monde, son temps.
Un roman écrit en exil en 1938 qui raconte l'égoïsme, la bêtise, la misère, la lâcheté ordinaires, le nazisme au quotidien sans le nommer, « la peste brune » qui contamine les esprits. Bien-sûr le meurtre, mais la violence de ce roman est finalement ailleurs, plus complexe malgré l'évidence, elle est grouillante, grondante. Ce malaise, le malsain, les âmes perdues, encore quelques unes avec des idéaux face à l'idéologie quelques jeunes, dans cette classe ils sont quatre, déjà, encore… Rien de sensible dans ce roman au sens premier du terme, pourtant une perspicacité au coeur des hommes, dérangeante tant elle semble juste. Et universelle.
Lien : http://www.lireetmerveilles...
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