Etrange : je crois au diable, mais pas au Bon Dieu.
Vraiment pas ?
Je ne sais pas. Si, je sais ! Je ne veux pas croire en lui ! Non, je ne veux pas.
C’est mon libre arbitre.
Et la seule liberté qui me reste : le droit de croire ou de ne pas croire.
Mais officiellement bien sûr, faire comme si.
Selon les circonstances : tantôt oui, tantôt non.
Par mon libre arbitre, je voulais déranger un calcul, mais le calcul était déjà effectué depuis longtemps.
Je voulais nous sauver tous, mais nous étions déjà noyés. Dans l’océan éternel de la faute.
Mais à qui la faute si la serrure s’est faussée ? Si elle n’a plus voulu se reverrouiller ?
Et naît soudain en moi le désir de la dépravation. Comme j’aimerais avoir moi aussi une tête de mort lumineuse pour épingle de cravate !
Hier, au club, lorsque nous avons lu votre déposition à propos du coffret dans le journal, nous avons tous dit que vous étiez le seul adulte que nous connaissions qui aime la vérité.
Eh oui, le malheur de la jeunesse d’aujourd’hui est qu’elle ne vit plus une puberté correcte –l’érotique, le politique, l’éthique, tout a été tripoté et frelaté, tout dans le même sac ! Et par-dessus le marché, trop de défaites ont été célébrées comme des victoires, trop souvent les sentiments les plus profonds de la jeunesse ont été manipulés au profit de fantoches, tandis que d’un autre côté on leur rendait la vie facile : ils n’ont qu’à recopier les imbécilités qu’ânonne la radio pour recevoir les meilleures notes.
"Même si cela fait mal, que peut-on seul contre tous ? On ne peut qu'enrager en secret."
Je me lève avec précaution et vais à la fenêtre.
Il fait encore nuit. Je ne vois rien. Ni rue, ni maison. Rien que du brouillard. Et la lueur d'un lointain réverbère tombe sur le brouillard et le brouillard ressemble à de l'eau. Comme si ma fenêtre était sous la mer.
Je ne veux plus regarder dehors.
Sinon, les poissons viendront se coller à la fenêtre et regarder dedans.
Et il prononce une phrase étrange : « Les opinions de monsieur le professeur me paraissaient souvent trop jeunes. »
Le président s’étonne.
« Comment cela ?
-Monsieur le professeur nous parlait toujours du monde tel qu’il devrait être, et jamais tel qu’il est en réalité.
Je ne suis pas de ces prêtres qui ne veulent rien entendre ou qui se fâchent, je fais comme saint Ignace, qui disait : « J’entre avec chacun par sa porte, pour le reconduire par la mienne ».
Des armées de canailles sous le commandement de crétins. Au pas cadencé.
Ils chantent des chansons où il est question d’un petit oiseau qui gazouille sur la tombe d’un héros, d’un soldat qui suffoque dans les gaz, des jeunes filles noires et brunes qui bouffent ce qu’il reste de pourriture dans la maison, et d’un ennemi qui, en réalité, n’existe pas.
C’est ainsi que les faibles d’esprit et les menteurs glorifient le jour où est né le plébéien en chef.