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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une série mettant en scène l'une des psiots (individus dotés de pouvoirs parapsychiques) issue de l'excellente série Harbinger, à commencer par Omega Rising (épisodes 1 à 5). Une connaissance superficielle du personnage de Faith est suffisante pour apprécier cette histoire. le lecteur qui ne connaîtrait pas l'univers Valiant peut apprécier le récit, mais certaines allusions resteront alors lettre morte. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2016, écrits par Jody House et dessinés par Francis Portella. Ce dernier a également encré les épisodes 1, 2 et 4. L'épisodes 3 a été encré par Terry Pallot. Dans chacun des épisodes, les séquences rêvées par Faith Herbert ont été illustrées par Marguerite Sauvage à raison de 3 pages par épisodes. Cette histoire se déroule après le tome 6 de Harbinger Omegas.

Sam Bradshaw et Lucy sont en train de fuir pied nu dans la nature, habillé d'un pantalon de toile et d'un teeshirt, avec un gadget technologique au poignet. Ils sont rattrapés par les membres d'une mystérieuse organisation. Faith Herbert s'est installé à van Nuys en Californie dans la banlieue de Los Angeles. Après avoir vérifié que ses voisins du dessus n'étaient pas en train de s'entretuer, elle se rend à son boulot en volant dans son costume de Zephyr. Arrivée sur place, elle se change dans son identité secrète de Summer Smith, avec une perruque rousse. Entretemps elle a rêvassé de sa vie parfaite en tant que superhéroïne.

Summer Scott est pigiste dans un magazine en ligne appelé ZipLine, spécialisé dans les ragots sur les célébrités. Elle travaille sous les ordres de Mimi, une femme au sourire inquiétant, avec ses collègues Jay Spencer et Paige. le taux de reprise de ses articles dans les médias sociaux aurait tendance à faire baisser la moyenne de l'équipe. Elle échange quelques textos avec Obadiah Archer, un autre jeune superhéros (voir The Michelangelo Code). En écoutant la fréquence radio de la police, elle intervient en tant que Zephyr pour mettre fin à un trafic d'animaux de compagnie. @X (un hacker ayant déjà aidé les Renégats par le passé) lui suggère d'enquêter sur la disparition de Sam Brashaw, un individu qui figurait sur la liste des psiots potentiels, établie par Toyo Harada.

Dans le premier tome de la série Harbinger, le lecteur n'avait aucun doute sur le fait que le personnage de Faith Herbert avait été inclus pour remplir le quota de représentation des personnes obèses. Il avait rapidement changé d'avis en se rendant compte que Joshua Dysart en avait fait le coeur du groupe, celle dont le compas moral était le plus fiable. Après l'arrêt de la série Harbinger, il lui tardait de savoir ce qu'il était advenu de Zephyr. Il a un petit instant de déception en voyant que ce n'est pas Joshua Dysart qui écrit cette histoire. Il a un sourire en découvrant les magnifiques couvertures de Jelena Kevic-Djurdjevic et est rassuré en constatant que l'héroïne n'a rien perdu de ses rondeurs.

Francis Portela réalise des dessins s'inscrivant dans un registre réaliste, avec des traits de contours fins, et une multitude de détails. Lui aussi conserve la surcharge pondérale de Faith Herbert, y compris dans les éléments les moins les moins flatteurs, à savoir le ventre qui déborde de la ceinture et les bajoues. Il lui donne des postures gracieuses pendant le vol autonome, et assurées quand elle a les pieds sur terre. Cette jeune femme est décidée, confiante en elle, sans sentiment d'infériorité dû à son apparence physique. Comme dans la série Harbinger, elle est de nature enjouée et sourit régulièrement (malgré son histoire personnelle qui n'est évoquée qu'en page récapitulative en début de volume). Les autres personnages bénéficient également d'une apparence réaliste, avec une réelle diversité ethnique. Les visages sont assez expressifs. Torque a droit à un corps de culturiste musculeux à souhait, en cohérence avec son choix d'apparence, comme le savent les lecteurs de la série Harbinger. Sa copine Sidney a un corps parfait comme il convient à une mannequin pour une série télé.

Les tenues vestimentaires sont variées et adaptées à la personnalité de chacun. Outre Faith et Torque, il y a un autre personnage qui crève la page : Mimi. La scénariste et l'artiste se sont amusés à en faire une personne entièrement dans le présent, avec un regard d'une intensité peu commune, une chef totalement impliquée dans son travail, avec un sourire de façade exagérée jusqu'à faire peur, une grande réussite visuelle. Par comparaison, Obadiah Archer est aussi insipide que dans sa propre série. Francis Portela effectue un travail impressionnant pour représenter les décors et les environnements. Chacun de ses dessins relève d'un niveau de description très minutieuse. Lorsque Faith s'éveille, le lecteur peut contempler tout l'intérieur de son appartement dépourvu de cloison en 1 seule case : ses livres, ses meubles, ses statuettes, sa cuisinière avec sa hotte aspirante, son évier, son plan de travail, ses peluches, sa télévision écran large, une manette de console de jeux vidéo, un boîtier de jeu vidéo ouvert, son parquet, un tapis avec un très joli motif, etc. S'il lit trop vite, il peut ne pas apercevoir la perruque rousse, pourtant bien présente sur son support.

2 pages plus loin, Faith Herbert prend son envol au-dessus d'un échangeur d'autoroute, et c'est à nouveau une foule de détails qui viennent donner corps à ce moment. le lecteur peut voir un hélicoptère dédié à la circulation, les nombreuses autoroutes, les bretelles d'échangeur (avec un tracé logique, et elles aboutissent sur d'autres autoroutes), ainsi que les collines en arrière-plan. Il voit également la végétation et les bâtiments existants. Il peut se projeter aux côtés de Zephyr et voir ce qu'elle voit. Cette approche graphique minutieuse et méticuleuse permet de glisser des informations supplémentaires qui nourrissent les personnages. Par exemple quand Faith téléphone à Archer, elle fait voler en même temps une figurine de superhéros pour s'amuser. le travail de mise en couleurs d'Andrew Dallhouse est tout aussi minutieux venant donner du volume à chaque surface.

Dans chaque page, le lecteur découvre une séquence fantasmée par Faith sur sa vie parfaite si elle pouvait exister. Ces pages sont réalisées par Marguerite Sauvage (selon toute vraisemblance à l'infographie). Les personnages et les accessoires sont détourés à plus gros traits. Les couleurs sont plus pastel pour bien marquer la différence avec les séquences réelles. L'artiste sait faire passer l'impression de rêve teintés à l'eau de rose, sans en devenir nunuches. le lecteur ressent une ambiance féminine de type fleur bleue, avec une dose de pop culture assumée, baignant dans une bonne humeur naturelle, transcrivant à merveille l'état d'esprit de l'héroïne.

L'écriture de Jody Houser semble participer de la même approche narrative que les dessins de Francis Portella. Elle aussi intègre de nombreux éléments minutieux, soigneusement choisis et formés. Faith Herbert rayonne d'une forme d'énergie enjouée, ce qui constitue le fond de son caractère tel qu'il avait été établi dans la série Harbinger. Cet aspect-là est très bien rendu. Au fil des séquences, de nombreux détails viennent attester de son amour de la culture populaire en général et des superhéros en particulier : de ses remarques sur sa double identité, à ses figurines, en passant par les allusions à Clark Kent (lui aussi superhéros et journaliste), par le choix de son identité secrète (Summer Smith, à la fois une allusion à Cyclops, à la fois un hommage à Buffy Summers). Plus encore, les dialogues et le comportement de la principale protagoniste montrent à quel point elle prête attention aux autres, dans une forme d'altruisme qui n'est ni niais, ni crétin. Faith Herbert a à la fois un coeur de midinette (elle a le béguin pour Chris Criswell, un jeune acteur bel homme) et à la fois conscience que ses actions ont des conséquences.

À plusieurs reprises, Jody Houser surprend son lecteur par la pertinence et l'intelligence des réflexions de Faith Herbert. Alors qu'elle enquête dans un pavillon de banlieue désertée, un incendie volontaire y est déclenché. Elle se porte au secours des voisins qui la remercie profusément. Elle se rend bien compte que si elle s'y était prise autrement, il n'y aurait pas eu d'incendie. le lecteur apprécie le degré de finesse dans lequel la scénariste va pour établir sa première histoire, des détails insérés naturellement, sans qu'ils n'en deviennent prépondérant au point de phagocyter l'intrigue principale. Les liens avec la continuité de l'univers partagé Valiant sont établis, sans servir de béquille à un récit creux.

L'intrigue principale repose sur un ennemi récurrent de l'univers partagé Valiant, annoncé dans le titre du présent volume. le lecteur un peu chevronné grimace en constatant que l'héroïne doit affronter des extraterrestres, soit l'une des 2 menaces les plus génériques qui soient pour une première histoire (l'autre étant les robots destructeurs). Certes, la scénariste a fait le nécessaire pour montrer que Zephyr intervient souvent pour des affaires moins clichés (des enlèvements d'animaux de compagnie), mais ça reste quand même un dispositif sans imagination.

Le tome se termine avec les couvertures variantes réalisées par Kano, Clayton Henry (* 2), Marguerite Sauvage, Colleen Coover (* 2), Emanuela Lupacchino, Dan Parent, et 13 pages de crayonnés.

Avec cette première aventure en solo de Faith Herbert, le lecteur retrouve le personnage qu'il avait tant aimé dans la série Harbinger. En fonction de son attente, il est comblé par l'attention que lui porte un dessinateur méticuleux, une dessinatrice romantique, et une scénariste pleine d'idée. Éventuellement il peut regretter que l'intrigue principale repose sur des extraterrestres comme tout premier numéro en panne d'originalité.
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