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Critique de ASAI


J'ai beaucoup aimé la lecture de ce livre. J'ai beaucoup aimé retrouver dans cette sorte d'autobiographie, l'oeuvre de Yu Hua, sa sensibilité, son ironie. Mais on peut tout aussi bien lire ce "La Chine en dix mots" sans avoir lu les romans de son auteur.
J'ai beaucoup aimé la construction de cette autobiographie qui n'en est pas une vraiment tout en étant une en partie. Autour de dix mots. Essentiels. Parfois j'ai pensé, on aurait pu dire aussi dix maux. de la Chine. de la vie de Yu Hua. Né en 1960, il est encore un enfant quand la Révolution Culturelle commence à répandre ses larmes de sang, de déportation, de lutte-critique, comme ils disent ces gardes rouges qui se croient tout permis, à la vie et à la mort, à l'humiliation, au pousse-suicide, aux exécutions sommaires, sans procès, etc... Ces années d'une violence inouïe, qu'il ne comprenait pas car tout enfant, il s'en souvient inexorablement. Il s'en explique.
Puis il passe assez rapidement à cette nouvelle Révolution, économique, celle de la libéralisation du marché, de la marchandisation. Il fait le parallèle entre les deux, deux périodes où tout va vite, où une gloire vite obtenue précède une chute non moins rapide, ou les gagnants d'un jour sont les perdus ou vaincus du lendemain...
Voilà. Mais le livre est construit autour de dix mots, autant de chapitres, on aurait pu dire aussi des nouvelles.
Donc il n'y a rien de linéaire. C'est très intelligent. Et, pour ma part, je suis entrée en connaissance du Monsieur, Grand Monsieur, écrivain, qu'est Yu Hua, j'ai mieux compris son pays et son amour pour celui-ci, tout en comprenant son oeuvre, sa nostalgie, sa tristesse.
Autour de dix mots donc.
Les quatre premiers rappellent l'enfance et l'adolescence de YU Hua. On entre tout de suite dans la pensée ironique, cynique, drôle, humaine..
Le premier mot est "Peuple" : "quand j'écris ce mot "peuple", j'ai toujours l'impression d'avoir fait une faute, ou bien d'avoir écrit quelque chose d'autre". Ainsi dès les premières lignes, nous entrons dans le vif du sujet, et surtout le vif du coeur de l'auteur. le second mot est "Leader". Voici les souvenirs de Yu Hua : "Le souvenir le plus étalé dans le temps que je garde de Mao Zedong me vient du plafond de notre maison. Chaque année, mon père changeait les vieux journaux qu'il avait collés au-dessus de nos têtes, pour empêcher la poussière de tomber et aussi pour des raisons esthétiques... J'ai passé mon enfance et mon adolescence sous de vieux journaux : de mon lit je pouvais les titres..".
Puis Yu Hua prend deux mots clés, "Lecture" et "Ecriture"... magnifiques et ces pages m'ont rappelé les oeuvres de Lao She et ma lecture récente De Balzac et le petite tailleuse. Yu Hua rappelle les ravages de la révolution culturelle (1966-1976). L'interdiction de tous les livres, seuls subsistaient les écrits de Mao Zedong et de quelques paillassons du pouvoir. Comment se procurer les livres interdits, comment ne pas se faire prendre ? (ce qui pouvait valoir la peine de mort).
Au fur et à mesure que Yu Hua décline ses mots, ses maux (?), il se livre en tant qu'homme, en tant qu'écrivain et en tant que témoin d'une Chine qui le fait souffrit.
Il finit par deux mots Faux et Embrouille. Qui font immédiatement référence à la Chine des années 2010 et suivantes.
Faux c'est la contrefaçon et Embrouille c'est le mensonge, ainsi banalisé.
Alors le livre prend un ton amer. Certes l'ironie est toujours présente, mais elle revêt une âcreté, qui montre à quel point Yu Hua souffre de ce qu'est devenu son pays. Oui, elle s'est enrichie, mais elle a perdu son âme et ses valeurs.
"C'est quand la souffrance d'autrui ma propre souffrance que je comprends vraiment ce qu'est la vie, ce qu'est l'écriture. Il n'y a sans doute rien au monde qui permette plus facilement aux hommes de communiquer entre eux que la sensation de la souffrance. Parce que le chemin qu'emprunte la souffrance pour arriver à l'autre prend son point de départ au plus profond de son coeur de chacun d'entre nous. C'est pourquoi en parlant dans ce livre des souffrance de la Chine, j'ai parlé des souffrances qui sont les miennes, car les souffrances de la Chine sont aussi mes souffrances".
En lisant ce livre, j'y ai mis du temps, car j'ai consacré une journée par mots donc dix journées, pour prendre du souffle, pour respirer entre chaque, pour respecter l'auteur, car ayant lu ses romans qui ont précédé cet ouvrage, je retrouvai avec bonheur mes lectures antérieures.
Monsieur Yu Hua, je vous remercie, pour être un grand monsieur de la littérature qui donne tant de plaisir à lire. Pour être un humaniste. Un vrai.
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