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Critique de florigny


Dix est un héros de la seconde guerre mondiale ; pilote dans l'armée de l'air, il a remporté de nombreux combats aériens. Après sa démobilisation – basé à Los Angeles dans un appartement prêté par une connaissance – il lui reste encore une bataille à mener, la plus difficile et dangereuse : il s'agit du combat intérieur contre lui-même, contre ses pulsions meurtrières.


Dorothy B. Hughes invite le lecteur à partager les tourments de Dix, en prise directe dans son cerveau détraqué. Page après page, la façade de celui qui donne le change, pratique avec talent la courtoisie sociale, se fissure et sans aucune scène explicite – tout le talent de l'auteure s'exprimant dans la suggestion et l'ambivalence -, l'on comprend qu'il est le tueur de femmes qui sévit à L.A. Son instabilité apparaît peu à peu, un seul mot comme « sécurité » le met en colère ; son amour pour sa voisine est possessif ; sa jalousie explosive. Un hasard permet à Dix de rencontrer un ancien copain de l'armée devenu policier, exacerbant son goût pour le jeu, sûr de lui, persuadé qu'il est capable de prendre des risques sans commettre d'erreurs. Il titille son ami, cherchant à lui extorquer des informations sur l'enquête, mais la police patine, les rares témoignages évoquant un homme jeune, plutôt grand à l'air normal. Les seules certitudes sont qu'il n'a qu'une seule tête et ne porte pas de crocs. Et puis, les policiers cherchent un fou, incapables d'imaginer qu'un homme puisse tuer pour une autre raison que la folie.


Ces errances renforcent la confiance de Dix, son intelligence supérieure, son sentiment d'impunité. Il ne travaille pas, vit aux crochets d'un vieil oncle lassé par sa feignantise. Il hante les clubs, les bars, persuadé que pour obtenir de l'argent – sésame pour avoir des filles – il suffit de côtoyer ceux qui en ont. Dix est un homme seul qui en veut aux femmes, toujours à se mêler de ce qui ne les regarde pas, à imposer leurs envies aux autres, à s'exprimer sur des lieux communs, à proférer des mots à double sens ; elles sont des tricheuses, menteuses, putains. Même les pieuses sont prêtes à mentir et à se prostituer. Aucune ne vaut la peine qu'on se rende malade pour elle. Dix est un homme misogyne dont la masculinité est assiégée, croit-il, comme le rappelle fort justement Megan Abbott dans une postface passionnante.


Un homme dans la brume, paru pour la 1ère fois en 1947 est un roman fascinant, d'une intemporalité sidérante, baignant dans une atmosphère progressivement de plus en plus asphyxiante. Rarement, un cerveau tourmenté a été décrit avec une telle justesse chirurgicale. Dorothy B. Hughes écrit avec un scalpel, ses phrases sont nettes, ses mots précis, ses coupes franches. Un roman fondateur de la littérature noire qui ravira tous les amateurs du genre. Et les autres...
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