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Critique de Alexein


Si Baudelaire peut être comparé à une panthère ou un chat, Hugo évoque pour moi un taureau. Son style est de la plus certaine vitalité, gonflé par une verve qui l'emporte dans d'immenses élans d'enthousiasme. Il y entraîne volontiers le lecteur. En le lisant, ma poitrine se dilate, il me transmet cette énergie, des aspirations à la conquête, il enchante tout un univers par son lyrisme vigoureux.

Alors que Baudelaire calibre ses vers et ses tournures avec la patience et l'application d'un joaillier, Hugo fonce vaillamment, presque témérairement, la plume en avant comme un étendard, bouscule tout sur son passage et répand à profusion un discours turgescent. Hugo est pareil à un prophète. Ses poèmes semblent résonner dans les grandes vallées bibliques. Son discours est comme mû par la sagacité solennelle d'un porteur de flambeau éclairant l'humanité. Son regard flamboie, son front se crispe, sa voix tonne ; des millions d'ardeurs bouillonnent dans son sein.

Dans beaucoup de ses poèmes, il semble haranguer des troupes pour les mener au combat. Il s'adresse aux éléments, à Dieu, aux animaux. C'est comme si l'univers n'était pas assez vaste pour une telle débauche d'énergie. Il veut le dilater plus encore. Il veut tout consigner, qu'aucune pensée n'échappe à sa plume.

Et cependant les mêmes rimes reviennent souvent et on peut se dire qu'il tourne quelque peu en rond. Ce qui l'anime, c'est avant tout le souffle. Il faut qu'il reste en mouvement. Alors il s'évertue, s'échine pour ne pas se laisser abattre. Car les éléments sont contre lui. le sort lui a enlevé sa fille adorée. Il a quitté son pays. À Guernesey, il a dû beaucoup tourner en rond à regarder les voiles des navires et les étoiles au point de les associer presque immanquablement en rimes, mais il le faisait déjà dans le recueil Les voix intérieures.

Obsédé et possédé par le contraste entre lumières et ténèbres, il voyait des monstres, il voyait des morts, il voyait des choses abominables, il voyait des choses grandioses, et cela dans une démesure toute baroque.

Les contemplations est un recueil distendu, plein de répétitions, enflé d'élans puissants, sonores et cependant assez creux. Il est comme une succession ininterrompue de vagues déferlant sur la grève. C'est son plus célèbre recueil de poésie : une tentative de conjuration du désespoir et un assagissement de l'âme tourmentée. C'est un monument en grande part élevé à la mémoire de Léopoldine et c'est pour cela qu'il m'évoque un mausolée littéraire.
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